Par Alix Bettini
Qu'est-ce qui, mieux que la musique, peut transcender le septième art ? Cependant, rares sont les compositeurs qui ont su apporter un univers et une particularité aux films pour lesquels ils étaient engagés. James Horner est l’un compositeur qui n'a eu de cesse de prouver son génie, de film en film, de Aliens à Avatar en passant par Willow, Fievel Et Le Nouveau Monde, ou Le Petit Dinosaure Et La Vallée Des Merveilles, Légendes D'Automne ou encore Braveheart. Composer une musique pour un film demande beaucoup d'humanité, cela demande même de fusionner avec l'histoire qu'il faut accompagner. James Horner ne fait pas que composer de la musique pour ces films, il les fait véritablement vivre, leur confère une dimension bien plus profonde qu’elle ne l’aurait été sans sa musique. Bien après avoir vu le film, il nous reste en tête l'univers magnifique esquissé par ces notes, ces mélodies où parfois les violons pleurent, les pianos chantent et où les voix nous atteignent en plein coeur. Il ne s'arrête pas à un accompagnement de film : comme pour beaucoup de ses bandes originales, il compose un autre monde dans lequel nous pouvons nous immerger. Ses mélodies semblent refléter la vie elle-même, car l'on y retrouve une palette quasi totale des sentiments humains: l'amour, la liberté, la tragédie, la mort, l'aventure, la tristesse, la nostalgie, le suspense, la mélancolie, la douleur, la beauté, la guerre… James Horner ne se trompe jamais : il trouve toujours la mélodie qui convient à une histoire et s'il fallait ne retenir qu'une citation pour définir son œuvre, ce serait celle de Stendhal : "La bonne musique ne se trompe pas, et va droit au fond de l'âme chercher le chagrin qui nous dévore."
Il a déjà su, dans nombre de ses oeuvres, notamment celles des films qui s'annonçaient pourtant "légers" comme Le Petit Dinosaure Et La Vallée Des Merveilles, Fievel Et Le Nouveau Monde ou Casper, nous faire comprendre et entrevoir une douleur, une subtilité que nous n'aurions peut-être pas saisies sans sa musique. Il a su nous révéler l'histoire, l'ampleur de ce qu'elle voulait transmettre. Et pour ce qui est des tragédies, on peut dire qu'il nous emmène à un point de non-retour. La réédition des albums Titanic et Back To Titanic, emplis d'émotion et de tension, nous offre l’occasion de replonger dans une partition foisonnante qui nous a fait rêver pendant des années, telle une source inaltérable de magie musicale, une véritable œuvre d’art imaginée pour le film mythique de James Cameron qu’il convient d’explorer à nouveau en profondeur. Il faut parler de la façon dont la musique composée pour Titanic a su mêler la tragédie et l'amour, la mort et la liberté, la douleur et la vie, la perte et la mémoire, et porter cette histoire à un degré d'émotion et d'intensité presque palpable.
La piste Never And Absolution, qui ouvre le premier album, semble porter en elle-même la tragédie, ce qui réussit à créer immédiatement une émotion, exploit assez rare en soi. James Horner fait appel à la cornemuse d'Eric Rigler afin de présenter le thème du navire et rappeler les origines irlandaises de ce dernier, construit à Belfast. C'est également le thème principal qui est dévoilé, la chanteuse norvégienne Sissel Kyrkjebø apportant avec sa voix toute l'ampleur tragique de l'histoire. Notons aussi la présence du synthétiseur, présence qui a été beaucoup critiquée mais qui pourtant apporte peut-être plus de souffle à ces musiques.
Distant Memories est une ode à la mémoire, qui nous évoque un passé lointain, des secrets enfouis dans les profondeurs de nos âmes. Le thème, presque aquatique, accompagne la plongée d'une Rose centenaire dans ses souvenirs. Emotion, tristesse et nostalgie sont au rendez-vous.
Les synthétiseurs et les thèmes de Southampton et de Take Her To The Sea, Mr Murdoch nous transportent à la fois dans l'énergie dégagée par le paquebot, et l'insouciance de ces gens qui pensaient tous pouvoir arriver en Amérique sans heurts ni tracas. La liberté, la plénitude, la vie émanent de ces mélodies, surtout au moment où Jack et son ami s'amusent à crier et regarder les dauphins à la proue du bateau. Encore une fois, James Horner révèle la beauté et la vérité de ces instants.
Le titre Rose est le premier à amener le thème de l'amour, un amour impossible mais qui pourtant se réalise. Rappelons que Rose est promise à un autre et qu'elle rejoint pourtant Jack à la proue du bateau. La voix de Sissel, qui apparait après un magnifique solo de flûte interprété par Tony Hinnigan, nous prend aux tripes et nous fait nous envoler en même temps que Rose. On dénote dans cette mélodie la liberté et l'amour apportés par la voix de Sissel, avec en filigrane la tragédie toujours rappelée par le synthétiseur mêlé aux notes de piano, car nous savons que cet amour est mort-né. Le naufrage se profile et cette musique se termine par des notes presque morbides, en même temps que le bateau vivant laisse place à son fantôme sur les écrans vidéo.
Unable To Stay, Inwilling To Leave est encore une autre réussite, car elle nous fait vivre le drame comme si c'était nous qui étions sur le paquebot en train de quitter une personne chère à notre cœur. Encore une fois Sissel nous atteint de façon presque charnelle, après le suspense du début, et l’on ressent ici de la douleur, celle de la séparation, avant que ne se révèle dans le thème des retrouvailles le besoin fusionnel que ressentent deux êtres l'un envers l'autre : " Tu sautes, je saute, pas vrai ?" La suite de cette piste accompagne parfaitement la course-poursuite qui s'ensuit.
Hard To Starboard, The Sinking, Death Of Titanic racontent le naufrage du Titanic lui-même, les passagers et l'auditeur étant alors confrontés à l'inimaginable. Ces pistes offrent un parfait contraste avec les autres compositions du film. Lors du naufrage, James Horner laisse son orchestre donner libre-cours à sa puissance : les cuivres apparaissent dans toute leur force et leur ampleur. La collision avec l’iceberg est symbolisée par Hard To Starboard, où la panique qui submerge les officiers se fait sentir grâce aux percussions massives et irrégulières ainsi qu’aux violons qui jouent avec puissance, les roulements de caisses-claires permettant au suspense de s'exprimer pleinement. Comme le souligne le compositeur : “Nous retrouvons ici le motif rapide et percussif d'Al Bathra (Courage Under Fire) puis ce tempo: “tabadabada, tabadabada” comme un compte à rebours (…) Je ne maquille pas mon motif, je lui donne une autre vie dans un contexte semblable, exactement comme l'expliquait Berlioz avec sa Symphonie Fantastique.” 1
Puis, à la suite du choc avec l'iceberg, nous entendons une trompette jouer deux notes identiques périodiquement, comme pour représenter un essoufflement, un fort battement de notre cœur essayant de retrouver un rythme normal après un effort, un moment de stress et de tension. Celle-ci semble retomber mais laisse place à l'inconnu, l'équipage s'interrogeant alors sur l'importance des dégâts.
The Sinking est construit avec des chœurs synthétiques symbolisant la frayeur des passagers qui cherchent par tous les moyens de s’enfuir tandis que l’eau submerge le navire se fait ressentir.
Death of Titanic est construit à peu près de la même façon. Il s’agit cette fois des dernières minutes du naufrage durant lesquelles on ne cherche plus à s’enfuir mais plutôt à rester le plus longtemps possible sur le bateau puisque tous les canots de sauvetage, en nombre insuffisant et à moitié pleins, sont partis et flottent dans la culpabilité et l'impuissance autour du Titanic. Lorsque le bateau s’enfonce dans l’océan, James Horner utilise un synthétiseur produisant un vacarme assourdissant, il nous plonge dans une terreur sans nom avec un son dont on a l'impression qu'il vient tout droit de « l’au-delà » pour pointer du doigt ces centaines d’hommes et de femmes ayant perdu la vie. James Horner ne sait pas que transmettre le romantisme, mais également le stress, la panique, la douleur, la détresse, la perte, l'angoisse et surtout l'horreur. “Là où souvent la musique de films doit jouer sur l'inconscient de l'auditoire, Death Of Titanic attaque directement la conscience de ceux-ci. Ce n'est pas une métaphore de la Mort, c'est la Mort!”1
A promise kept commence avec une ambiance très pesante accompagnée par sa trompette ténébreuse qui représente les centaines de cadavres gelés, flottant à la surface de l'océan où le silence s'est fait sous les étoiles. Elle est peut-être l'une des musiques les plus douloureuses du films, car c'est celle qui accompagne la promesse de Rose à Jack, après qu'elle se soit rendue compte de sa mort. Il s’en suit un instant de pure souffrance où Rose manque d'abandonner, mais elle se souvient de sa promesse et la musique, très intense, souligne l'instant où elle rouvre les yeux et décide de vivre, ( "I'll never let go, I promise") pour celui qui lui a donné sa vie. On retrouve dans ce passage la douleur de la mort, la beauté de l'amour qui conduit à la vie et à l'espoir, et une certaine rage sur la fin, que l'on retrouve dans le regard et le geste de Rose, qui souffle dans le sifflet avec force. On y trouve également le sacrifice, celui d'un homme pour une femme qu'il a suffisamment aimée pour pouvoir préférer sa vie plutôt que la sienne. L'horreur et la beauté s'entremêlent dans la voix indescriptible de Sissel…
An Ocean Of Memories nous emmène encore plus loin que sa sœur Distant Memories, avec des choeurs qui explosent à un peu plus de la moitié de la piste et confèrent une profondeur sans égale à ces titres.
A Life So Changed raconte l'aurore après la nuit, le calme après la tempête, la vie après la mort. La mélodie mêle à la fois l'espoir et la douleur, ce qui donne à ce titre une puissance qui ne peut qu'atteindre l'auditeur. Sissel sait à la fois se faire légère puis tragique, à la fois nous soulever le cœur puis nous le presser avec force. La fin du titre, en crescendo, accompagne la montée de l'océan vers un nouveau bateau, la montée de Rose qui voulait se suicider et qui maintenant a promis de vivre. Quelqu'un s'est sacrifié pour elle, quelqu'un qu'elle aimait; elle contemple l'avenir tout en étant encore imprégnée de ce qu'elle vient de vivre.
Véritable succès planétaire, My Heart Will Go On, interprétée par Céline Dion, reprend tous les thèmes à la fois, synthétisés dans la puissante maîtrise vocale de la chanteuse. James Horner l'a encore expliqué dernièrement lors de l'avant première de Titanic 3D à Londres, James Cameron à l'origine ne voulait pas de chanson pour son film, le compositeur a donc dû composer et réaliser cette chanson en secret avec la chanteuse, avant de la proposer au réalisateur.
Enfin, Hymn To The Sea vient conclure la première partie de la bande originale, avec le retour de sa cornemuse et du thème tragique. Les premières notes résonnantes ressemblent à des coups frappés, comme si c'était la mort elle-même qui frappait à la porte, porte s'ouvrant sur la voix plus mélancolique que jamais de la chanteuse norvégienne. C'est comme si la mer s'exprimait elle-même, tel un témoin de l'horreur qui s'est enfouie dans ses entrailles. Par la suite, les musiciens s’envolent dans une ultime montée de l'émotion, une sorte d'apothéose tragique ouvrant sur le retour des chœurs porteurs de vie et d'espoir. Cela nous rappelle aussi le devoir que nous avons de ne jamais oublier ce naufrage ayant fait plus de 1500 morts, ainsi que la symbolique dont il est porteur.
Back To Titanic, deuxième partie de la bande-originale, contient notamment des morceaux joués par l'ensemble I Salonisti, et ceux qui accompagnent les fêtes dans l'entrepont, amenant ainsi une autre partie de l'univers du Titanic.
Le morceau Titanic Suite raconte l'histoire en y apportant toutefois des éléments supplémentaires. La voix de Sissel y est par exemple plus tragique que dans n'importe quelle autre piste. Cette piste commence par des notes nous faisant entrevoir la mort du Titanic elle-même. Ces sons macabres semblent aussi oppressants que l'océan qui s'est refermé sur le navire, aussi lourds que l'angoisse que les survivants devaient ressentir à la proximité de la mer de défunts gelés. Il y a ensuite une percée lancinante de la cornemuse qui introduit une nouvelle fois le thème du navire et prépare l'arrivée de la voix de Sissel, plus douce, angélique et poignante que jamais. Sa voix semble être aussi éthérée que celle d'un fantôme, d'une âme volant à jamais sur les lieux du naufrage, l'essence même du drame. Des centaines de personnes ont perdu la vie dans la nuit du 14 au 15 avril, des centaines d'histoires et de destins se sont éteints d'un seul coup, il y a désormais un siècle, et pourtant Sissel nous le fait ressentir comme si cela était arrivé hier, comme si cela nous était arrivé à chacun de nous. La mélodie émanant de sa gorge est aussi douloureuse que touchante et elle nous fait entrevoir toute l'éternité de l'histoire du Titanic et de celle de l'amour de Jack et Rose, qui symbolise à la fois toute l'horreur de la mort qui frappe trop tôt et rappelle que l'amour est pourtant plus fort que la mort. Sissel s'arrête parfois de chanter, comme pour nous laisser le temps de respirer; ce n'est que pour reprendre sa mélodie quelques secondes après et ainsi amplifier encore, si cela est possible, l'impact émotionnel de cette musique, semblable à des pleurs, à l'agonie de toute une vie. La musique continue avec la même montée vers l'espoir que l'on avait déjà entendu sur A Life So Changed. L'utilisation des chœurs permet de nous maintenir dans l'émotion tout en l'atténuant toutefois quelque peu, comme si après de déchirants sanglots nous essayions de revenir à la raison et de retrouver l'espoir. Les morceaux Southampton, Leaving Port, et Take Her To The Sea, Mr Murdoch sont ensuite repris avec les synthétiseurs mélangés aux choeurs, et cela amène encore un puissant sentiment de plénitude. Ces chœurs apportent une parfaite opposition à la voix de Sissel, comme si elle était le négatif d'une photographie dont ils seraient le positif, ou bien l'autre côté du miroir, ils symbolisent la vie et quelque part représentent l'immortalité du navire, qui, même s'il n'est jamais arrivé à bon port, vit toujours dans la mémoire de l'humanité. Soulignons également les transitions de James Horner, pleines d'innocence et de tristesse, avant de repartir sur la voix de Sissel dans la troisième partie de ce morceau. Le compositeur joue avec nos sentiments, il nous fait partir sur la tristesse, puis nous souffle quelques bouffées d'espoir avant de nous replonger dans l'émotion la plus totale avec la voix de Sissel. Dans la dernière partie du morceau, on retrouve le thème de Rose, et la présence d'une flûte qui sanglote avant une explosion musicale des plus magistrales, due à la fusion de la cornemuse et des chœurs faisant presque penser à des voix de sirènes. A chaque fois que l'on croit que James Horner a atteint la limite de l'émotion, il la repousse encore plus loin.
Puis vient The Portrait, œuvre à part entière pour piano solo qui mêle le visuel, l'auditif et le tactile: la musique débute dès que Jack pose le fusain sur le papier, les différents phrasés du thème d'amour s'enchainant alors sur un regard discret de l'artiste vers Rose, son modèle. “Comme Jack dessine, je peins ma musique. Au piano car Jack refuse les artifices. Il faut savoir être simple pour être convaincant et faire partager ce qu'on appelle une émotion”.1 A travers ce morceau et même si cette version est sensiblement différente de celle apparaissant dans le film, James Horner transmet dans les deux cas l'amour, l'art, la recherche d'éternité à l'état pur.
Nous retrouvons également les scènes de naufrage avec certains thèmes absents du premier disque, comme dans A Building Panic, qui accompagne la ruée des passagers vers la poupe. Lament est ce qui semble émaner tout droit des naufragés, tandis que My Heart Will Go On, dans une version cette fois accompagnée de certains des dialogues de Rose et de Jack, qui la rende ainsi plus bouleversante que jamais.
A Shore Never Reached est une mélodie simple, mais très noble, appartenant à une autre dimension, avec toutefois un caractère presque funèbre rappelant les musiques utilisées pour les funérailles américaines. Peut-être pouvons-nous remarquer les légères similitudes avec Amazing grace, chant religieux qui symbolise l'espoir que nous nous devons de garder en dépit des épreuves mises sur notre chemin. Ce morceau prend tout son sens lorsque la cornemuse vient rappeler une nouvelle fois le thème du navire.
La reprise de Come Josephine In My Flying Machine par Maire Brennan contribue à donner davantage de profondeur à ce moment où Rose attend entre la vie et la mort sur la porte flottante, comme si James Horner nous indiquait de nous mettre pause à cet instant et nous ouvrait la porte, celle de Rose, sur un autre monde, celle de cette chanson.
Jack Dawson's Luck n'apparait pas dans le film mais nous rappelle les moments de fuite et de course poursuite joyeuse dans les fonds du paquebot, ainsi que le début du film où Jack gagne son voyage grâce à un coup de chance au poker. Il faut noter que pour accompagner cette scène dans le film, James Horner a utilisé un thème composé à l'origine pour le film Heaven Help Us (1985).
Les morceaux de l'orchestre I Salonisti sont là pour nous rappeler l'ambiance de l'époque et nous y plonger davantage, comme Alexander's Ragtime Band qui nous rappelle que le ragtime étant très populaire à l'époque. An Irish Party In Third Class nous ramène à la fameuse fête en troisième classe, Nearer My God To Thee, qui aurait été selon plusieurs témoignages le dernier morceau joué par l'orchestre, opposé à Autumn, par les sanglots de ses violons non monotones semble cingler directement notre chair.
Epilogue – The Deep And Timeless Sea, conclut quand à lui de façon magistrale cette bande originale à nulle autre pareille. Le titre n'aurait sans doute pas pu être mieux choisi car ce morceau semble être la voix même de l'océan. Les chœurs font encore penser ici à des sirènes, celles qui auraient pu accueillir les âmes des naufragés. En écoutant cet épilogue, on peut presque avoir l'impression de se retrouver au fond de l'océan, entouré des âmes perdues. Il y a une légèreté des notes et, pourtant, les violons ne manquent pas de nous rappeler la tristesse de l'histoire, tout en subtilité et encore une fois peut-être avec innocence et fragilité. Les chœurs amplifient leur chant dans un mélange de notes qui nous évoquent An Ocean Of Memories, instant rappelant les mélodies féeriques de Willow ou annonçant la magie de The Bioluminescence Of The Night composée pour Avatar. La diversité des instruments et des mélodies rendent ce morceau particulièrement bouleversant, jusqu'à ce que Sissel refasse son apparition après des sons de cor très profonds. Comme si le navire, même en ayant sombré au plus profond de l'Atlantique Nord, n'avait pu faire taire les âmes qui naviguaient à son bord. Comme si l'océan était un lieu éternel où le temps, la vie, la mort, l'amour n'avaient plus aucune signification et qu'il ne restait plus que l'essence même de ce qui fait l'être humain, indestructible et immortelle. La voix de la chanteuse, accompagnée par les chœurs, atteignent ici une émotion presque céleste, ou plutôt océane. Les thèmes et les voix se mêlent pour prolonger encore et toujours notre émotion quant à la déchirure de l'océan qu'a provoqué le Titanic en percutant un iceberg, pour se finir sur quelques notes au piano rappelant l'espoir, quelques larmes au violon et le retour du thème macabre, comme pour nous montrer que cette fois l'océan s'est bel et bien refermé à jamais sur cette histoire.
Avant de conclure, il nous paraît pertinent d'évoquer la musique qui reste malheureusement absente des albums et qui aurait mérité d'être intégreée dans ces éditions anniversaire. Ces dernières nous laissent forcément un goût amer quand nous mettons en parrallèle leur intérêt minime et les beaux moments musicaux qui auraient pu avoir leur place sur un troisième disque. Nous pensons notamment à la version film du Main Title qui nous submerge d'émotion alors même que l'histoire n'a pas débuté, les quelques notes de piano illustrant la mémoire de Rose retrouvant son miroir et sa broche restés au fond de l'océan pendant des décennies, la première version du thème d'amour inspirée de l'orchestration de Par Amour Pour Gillian, lorsque Jack voit pour la première fois Rose sur le pont du bateau, la musique quand les deux amoureux s'étreignent dans la voiture en soute… Ce sont des thèmes très courts composés soit au piano ou au synthétiseur, et pourtant leur impact émotionnel est égal aux pistes des albums. Ainsi la voix de Sissel lorsque Rose découvre que Jack est mort ou encore les sanglots de la mélodie lorsqu'elle donne son nom à l'officier, sont peut-être les plus douloureux moments musicaux du film.
Quatorze ans après sa création, cette œuvre magistrale a conservé tout son pouvoir émotionnel. Ainsi à chaque nouvelle écoute l'évidence nous saute aux oreilles : James Horner n'a pas seulement composé la musique pour le film Titanic, il lui a insufflé son âme.
1 Entretien avec James Horner, par Didier Leprêtre, Dreams To Dream..s