C'est un grand honneur de publier cette première critique de la nouvelle édition de The Rocketeer. Un grand merci à Roger Feigelson pour sa confiance et sa générosité.
The Rocketeer constitue une des partitions les plus populaires de James Horner, composée pour le film de Joe Johnston qui a accédé au fil du temps au statut culte. Le réalisateur, l’un des légendaires techniciens des effets spéciaux de Star Wars (1977), espérait adapter le Comics créé par Dave Stevens en une trilogie, mais les résultats décevants du box-office en décidèrent autrement…
James Horner bâtit son score sur 3 thèmes majeurs et un motif: il attribue à Cliff Secord un thème Americana qui ouvre le film, distinct d’un second basé sur le premier mais plus héroïque pour The Rocketeer lui-même, un troisième pour Jenny, le Love Theme élégant du film. L’antagoniste, Neville Sinclair, se voit associé un court motif qui sert également à Lothar, son âme damnée.
En 1991, le défi imposé au compositeur est de taille car le temps disponible pour l'écriture de The Rocketeer n'est que de trois semaines. « J'ai l'habitude de travailler dans des délais très courts mais avec Rocketeer j'atteignais mes limites physiques. » De plus, lors des sessions d'enregistrements, les scènes du film étaient constamment modifiées. Ainsi, quarante-cinq copistes furent engagés pour conserver la cohésion de la partition face aux changements. Une séquence de huit minutes comme The Zeppelin, pouvait par exemple du jour au lendemain connaître quarante altérations de l'adéquation créée initialement avec les images.
La passion de James Horner pour l’aviation lui a sans doute donné les ressources nécessaires pour répondre aux exigences du projet.
« J'ai toujours adoré voler, je suis dingue d'aviation depuis tout petit. Je collectionne les magazines à ce sujet et j'assiste à des meetings aériens partout en Europe. Rocketeer est merveilleux parce qu'il évoque la liberté ressentie quand nous volons ».
Inspiré par l'univers dépeint dans le film, le compositeur livre une musique symphonique de haut vol qui s'impose comme un pont stylistique entre ses premiers scores cuivrés de fantasy des années 80 et la tendance postérieure qui conduira son œuvre dans les années 90 vers des thèmes dramatiques aux cordes romantiques.
Un an après la disparition du compositeur et quasiment 25 ans après la sortie de l’album initial (c’était le 26 mai 1991), Intrada Records réédite donc cette formidable partition de The Rocketeer en double CD, avec 24 minutes supplémentaires, réparties sur 13 morceaux inédits. L’album original, un des mieux conçus de James Horner, est remasterisé et présenté après la fin du score complet, en bonus sur le second CD.
Figure notamment au programme la musique de la scène du tournage du film de Neville Sinclair (The Laughing Bandit), reproduisant la scène finale du célèbre Robin Hood de Michael Curtiz avec Errol Flynn, notamment le duel final dans l’escalier. Sans doute l'inédit le plus trépidant de cette nouvelle édition.
A noter que les deux standards Begin The Beguine et When Your Lover Has Gone interprétés par Melora Hardin ont été dirigés par James Horner et orchestrés par Billy May avec qui le compositeur a travaillé sur les morceaux jazzy de Cocoon (1985), Field of Dreams (1989), Cocoon: The Return (1991)… Ces deux pistes ont donc une place légitime sur ce premier disque, même si leur absence aurait permis d'y placer The Zeppelin et End Title / End Credits qui se retrouvent ainsi malheureusement au début du disque 2. C'était également le cas en 2013 avec l'édition de Patriot Games par La-la land Records où les deux derniers morceaux, Assault on Ryan's House, Boat Chase – Aftermath and Closing Credits n'étaient pas sur le premier disque, empêchant d'avoir tous les événements sur un même disque.
Certains déploreront peut-être aussi l’absence du pastiche de musique d’actualités cinématographiques, lorsque Cliff et Jenny voient un film, au début du métrage, ainsi que la musique du film animé de propagande en possession d’Howard Hugues, le richissime avionneur qui a créé le propulseur dorsal Cirrus X3 du Rocketeer, dévoilant le projet des Nazis de conquérir le monde grâce aux hommes volants… Cette musique, intitulée Barrage était pré-existante au film. Elle n'était pas de James Horner mais de Charles Williams.
Malgré ces quelques réserves, Il faut toutefois souligner le grand plaisir d’écoute de ce double CD grâce à l’extrême fluidité et l’excellence du score complet, réparti ici sur 81 minutes. Comme souvent avec les versions étendues nous découvrons des facettes de la partition non présentes sur l'album original. Le dernier exemple récent fut la nouvelle édition de Cocoon: The Return par Varese Sarabande qui dévoilait un thème non présent sur l'édition sortie à l'époque du film.
L'apport essentiel de cette nouvelle présentation proposée par Intrada de The Rocketeer est que le premier tiers de l'album (pistes 2 à 9) correspondant à la présentation des personnages, la mise en place de l'histoire et la construction du héros est enfin disponible à l'écoute. Cela redonne ainsi une valeur narrative absente de l'album original et offre un regard nouveau sur les développements des thèmes et motifs dans les morceaux d'action déjà connus.
Parmi les nouveautés présentes dans ces 24 minutes inédites de The Rocketeer, on remarque surtout la place plus importante donnée à la menace fasciste, plus largement associée à Neville Sinclair, illustrée par un motif de quatre notes, que James Horner visitera à nouveau notamment dans How The Grinch Stole Christmas (2000) et qui n'est pas si éloigné dans sa structure du « Danger motif » (Do bécarre – Mi – Sol – Si).
D'ailleurs le fameux motif à quatre notes (Ré-Mi-Fa Mi-dièse) est maintenant présent dans Finding The Rocket (CD1 – piste 3) entre 0:35 et 0:40, dans Neville et Eddie (CD 1 – piste 4) et dans Lothar Gets Wilmer (CD 1 – piste 6). Notons aussi dans The Gizmo (2:45) la subtile apparition et la citation de l'adagio du ballet Gayaneh d'Aram Khachaturian (1942) qui souligne, tout comme dans Project X (1989) ou Patriot Games (1992), la froideur de la guerre technologique quand dans le film l'utilisation du Rocketeer est envisagé comme outil de guerre.
Réentendre cette magnifique introduction (Main Titles / Takeoff) remasterisée avec brio comme souvent chez Intrada (souvenez-vous du renouveau sonore de Gorky Park) et l'associer aux images du film, nous fait ressentir une tristesse certaine. En effet ce mariage somptueux entre les images et la musique qui introduit le film, résonne étrangement avec les circonstances de la mort de James Horner.
L’action se situe en 1938, dans un aérodrome près de Los Angeles, par une belle journée ensoleillée. Une sensation douce-amère s’empare de l'auditeur/spectateur de 2016… Cliff Secord / James Horner monte seul dans son appareil pour un envol joyeux qui se termine mal, à la différence que Cliff Secord réussit à poser son avion en flamme, alors que James Horner n’aura pas cette chance…
Le livret est très beau et raconte avec détails et citations la production du film et de sa musique. Toutefois il ne propose pas d'analyse titre par titre. Cette réédition fortement recommandée, loin d’être redondante, dégage un optimisme, une énergie et un espoir revigorants.
Remerciements particuliers à Jean-Baptiste Martin, Javier Burgos, Byron Brassel et Kjell Neckebroeck.
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