FOND MEMORIES EPISODE 2 : 1978 – LE COUP DE COEUR POUR LA MUSIQUE DE FILMS

Dans ce deuxième épisode de Fond Memories, nous revenons brièvement sur les éléments qui ont incité James Horner à se lancer dans la musique de films.
Si vous avez des informations qui peuvent compléter cet épisode, merci de nous contacter.
[divider]1978 – LE COUP DE COEUR POUR LA MUSIQUE DE FILMS[/divider]
« Je n'ai jamais eu l'intention d'aller vers la musique de film. Je voulais être un compositeur. C’était ma vocation ». 1
« Je faisais mes études de musique et mon plan était essentiellement d'écrire de la musique classique avant-gardiste sérieuse et d'exister dans le monde des subventions et des commissions. Pour cela, vous avez vraiment besoin d'être ancré solidement dans une université, d'être un professeur ». 2
Le hasard a voulu qu'un jour on propose à James Horner d'écrire la musique d'un film d'étudiant pour l'Institut du Film Américain (AFI), organisation indépendante à but non lucratif qui se concentre sur l'enseignement pour former des professionnels du cinéma et de la télévision.
« J'avais une de mes pièces qui était interprétée et le directeur de l'American Film Institute était dans le public. Il m'a demandé si je pensais pouvoir faire la musique d'un film. J'ai répondu certainement, que je pouvais faire un essai ». 3

Nous pensons que la pièce dont parle James Horner n'est pas Spectral Shimmers car son unique représentation a eu lieu en janvier 1979 c'est à dire après les compositions pour l'AFI.

Au moment de s'engager avec l'AFI, James Horner est vite confronté à deux difficultés : son inexpérience dans la musique de film, et le manque de budget des projets:
« Il n'y avait pas d'argent. Ils pouvaient à peine payer les musiciens. J'étais démuni. Et je n'avais aucune formation dans l'art cinématographique. J'ai donc sauté le pas et appris le métier. J'ai dû aussi mentir sur mon parcours au début. J'étais trop gêné pour dire que je ne savais pas ». 4
Sa première expérience fut sur The Drought, un long-métrage réalisé par Dick Lowry (photo), réalisateur avec lequel James Horner retravaillera à trois reprises pour des téléfilms : Angel Dusted (1981), A Few Days in Weasel Creek (1981) et Rascals and Robbers: The Secret Adventures of Tom Sawyer and Huck Finn (1982). A noter que The Drought met en scène le prolifique Clu Gulager, acteur que nous croiserons à nouveau une décennie plus tard dans My Heroes Have Always Been Cowboys (1991).
« On m'a demandé de faire la musique de The Drought. Je me suis dit « pourquoi pas ». Je suis tombé amoureux du film, comme un coup de foudre. J'ai instantanément su ce que je voulais faire : écrire de la musique de films ». 5
Ces premières compositions pour l'image et celles qui suivront au début des années 80 sont un déclic au même titre que l'écoute du deuxième mouvement de la 7ème symphonie de Beethoven qui lui avait donné envie de devenir compositeur (voir épisode 1).
« Une fois que j'eus écrit ma première pièce de musique pour l'image, je suis tombé amoureux d'elle. Un vrai coup de foudre. J'ai compris que je pourrais écrire tout ce que je voulais et sans qu'une étiquette soit attachée à mon travail. Je n'étais plus considéré comme conservateur, comme avant-gardiste ou quelque chose entre les deux ». 4
« C'est ma seconde révélation: quand j'ai réalisé que mes compositions pourraient changer en fonction de la matière pour laquelle j'écrivais : pour les films d'horreur, les westerns, les films de science-fiction, les histoires d'amour. Ces films exigent tous des types de composition très différents, et j'ai été séduit par la capacité qu’a la musique de raconter des histoires quand elle est mariée à l'image ». 6

Depuis toujours passionné par le côté dramaturgique de la musique, il lui apparaît évident, dès ces premières écritures, « qu'associée aux images, la musique est mille fois plus puissante et émouvante que seule ». 7

« Alors j'ai tourné le dos au monde universitaire et tout ce qui va avec, j'ai connu un revirement de situation après avoir passé toute ma vie dans les conservatoires, j'ai porté toute mon attention vers la musique de film ». 2

La musique de films apparaît également pour James Horner comme le moyen idéal d'entendre immédiatement le fruit de son travail, de se retrouver rapidement devant un orchestre à diriger sa musique composée une semaine plus tôt. C'est à ses yeux un contraste saisissant avec les semaines et les mois de lutte rencontrés au sein du monde de la musique de concert pour réussir à faire jouer Spectral Shimmers, ou pour qu'un petit ensemble daigne jouer une de ses œuvres.

« Nulle part ailleurs vous obtenez la possibilité d'écrire quelque chose, et d'être quatre semaines plus tard, debout devant les meilleurs musiciens de la ville, à entendre votre travail. C'est la meilleure expérience d'apprentissage au monde ». 8
Enfin la musique de films semble un moyen de toucher un public plus large, balayant l'impact limité ressenti lors de la représentation de Spectral Shimmers.
« Quand j'ai quitté le conservatoire, puis l'école, et que je j'ai commencé à écrire pour le cinéma, je me suis dit que j'avais trouvé un nouveau média qui me convenait, parce que je pensais que d'aller dans une salle sinistre pour y écouter Strauss ou Bruckner ou Mahler interprété pour le jeune public, ça n'allait plus marcher pour moi. Ce qui intéressait le jeune public, c'était un monde où il y aurait un mélange de danse et de musique, ou de film et de musique, et c'est ce qui m'a vraiment amené à la musique de film, car c'est un média mixte ». 1

Une puissance accentuée par les images, un confort pour faire interpréter sa musique, un public touché plus large, l'expérience Spectral Shimmers, tous ces éléments ont joué en faveur de la musique de films face au monde de la musique contemporaine, que James Horner a toujours considéré « en train de mourir ». 9
Tout en enseignant un cours de théorie de la musique à l'UCLA, James Horner compose en 1978 pour l'AFI la musique de cinq autres films méconnus : The Watcher, Just for a Laugh, Landscapes, Gist and Evans and Fantasies.
Toutefois il a travaillé également sur de multiples films d'étudiants:

« J'ai fait sept ou huit films pour l'AFI et un tas de films d'étudiants, et peu à peu je suis allé vers des films indépendants à petit budget, et ensuite des films indépendants avec des budgets plus élevés. Puis j'ai travaillé avec Roger Corman ». 8

Article de Jean-Baptiste Martin
Remerciements à Nick Martin, David Hocquet, Kjell Neckebroeck et Olivier Soudé. 
 
Sources :
5 – Fred Karlin, Listening to Movies [New York: Schirmer Books – 1994] p.250
6 – Titanic Live – Souvenir Programme – Pierre O'Reilly – Avex Classics International Production, page 48
7 –
Entretien avec James Horner par Didier Leprêtre, Dreams to Dream…'s, 1998
8 – CinemaScore, issue # 11/12, 1983; entretien par Randall D. Larson
9 – Le Maître sort de son cocoon par Didier Leprêtre, Dreams to Dream…'s.
 
Crédits photo :
Dick Lowry : profil LikedIn
Royce Hall (UCLA) : By Alton (Own work) [CC BY-SA 3.0 or GFDL], via Wikimedia Commons

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