LE DERNIER LOUP : UN APERÇU DE LA MUSIQUE

Une voix transperce le silence.
Un silence assourdissant de plus de deux ans, depuis The Amazing Spider-Man et For Greater Glory. La musique de James Horner revient enfin dans les salles de cinéma avec force et fracas. Wolf Totem est un nouveau joyau sur le collier déjà bien serti de l'oeuvre de James Horner, une nouvelle étoile éclatante dans la galaxie du monde de la musique.
Soyez sûr que si un jour une musique nous déçoit nous le clamerons haut et fort. Nous avons pu écouter et savourer ce nouvel opus suffisamment pour vous assurer que lors de son édition discographique, Wolf Totem sera un album riche, aux multiples facettes, aux ambiances variées, où se mélangeront des moments d'angoisse, de tristesse, de bonheur, de plénitude, d'action… Bref, tout ce que nous supposons qu'un mélomane aime vivre et ressentir quand il insère un disque de musique de films dans sa platine. Mais il ne se limitera pas seulement à ces qualités qui différencient un disque ennuyeux d'un disque palpitant. En effet, l'album racontera également une histoire. Il nous contera l'histoire du film de Jean-Jacques Annaud ou l'histoire qui sortira de votre imagination à l'écoute de ces notes magnifiques et sensibles. Bref, préparez-vous à un coup de cœur !
 
Si vous voulez préserver le plaisir de la découverte du film et de la musique, ne lisez pas les paragraphes suivants.
 
[divider]Une voix transperce le silence[/divider]
Une voix qui exprime la douleur, parfaite incarnation de ce sentiment qui accompagnera les deuxannées vécues en Mongolie Intérieure par Chen Zhen, jeune étudiant originaire de Pékin envoyé afin d’éduquer une tribu de bergers nomades. Les contrebasses s'intercalent entre chacune des incantations et accentuent le caractère grave de cet exorde. Le thème du film fait ensuite son apparition. Expression pleine de sobriété du caractère épique et tragique de l'aventure qui va défiler devant nos yeux. Il est repris rapidement au son d'un violon chinois (écoutez la bande annonce française à 1'07) avant de dévoiler sa deuxième partie, un élan romantique dans le plus pur style du compositeur, un de ses élans que nous chérissons et que nous guettons à chaque nouvelle partition (bande annonce française à 1'20). L'arrivée en Mongolie donne lieu à un passage musical mêlant synthétiseurs et instruments traditionnels. C'est quasiment l'unique apparition de l'aspect folklorique dans cette nouvelle grande partition symphonique de James Horner.
[divider]Le loup : une créature crainte et vénérée[/divider]
Lorsque Chen Zhen décide de s'aventurer en dehors des chemins conseillés, il tombe nez à nez avec la meute de loup de la région. L'angoisse est matérialisée par des éléments synthétiques à la manière de la première partie de Revenge dans Braveheart (1995), quand William Wallace se dirige lentement vers le fort anglais du village après l'assassinat de Murron. Référence judicieuse car les deux hommes sont à cheval et avancent vers le danger. Les apparitions successives des loups de plus en plus nombreux face au jeune homme font monter la tension. Le synthétique laisse place à une brillante atonalité orchestrale. L'ombre de György Ligeti (qui rappelons-le fut le professeur de James Horner) planerait presque sur cette scène où la mort semble promise au personnage, comme pour la deuxième partie de Ambush (Clear and Present Danger – 1994) ou le final de Death of Titanic (Titanic -1997). Heureusement, Chen Zhen est épargné par la meute et l'esprit de la steppe. Il vit alors un moment spirituel au travers d'une vision dans le ciel. Cet instant magique, illustré par les cordes et les synthétiseurs, nous renvoie par exemple aux dernières notes de Field of Dreams (1989), lors du plan final où la caméra monte dans le ciel en révélant les traits lumineux dessinés dans l'obscurité par les phares des automobiles qui se rendent au terrain de Base-Ball.
La scène suivante dévoile l’observation des loups par Chen Zhen et Bilig, l'ancien de la brigade, lors d'une partie de chasse. Les mammifères carnassiers guettent le moment approprié pour attaquer des gazelles. Des mouvements lents de cordes symbolisent l'attente. Avec l'approche de l'assaut, les cordes s'activent accompagnées des percussions. Puis elles se font vivaces et virevoltantes lors de la ruée des loups vers leurs proies. L'énergie dégagée par ces cordes est similaire à celle rencontrée dans To The Roof de John Powell (The Bourne Supremacy 2004).
La mise à mort des louveteaux ordonnée par l’autorité centrale donne lieu à deux scènes éprouvantes que James Horner illustre très pudiquement. Pour la première, le trio intimiste harpe, flute et cordes est à l'honneur. Puis lors de la seconde scène, quand la mort des louveteaux est provoquée involontairement par Chen Zhen, James Horner déploie un thème sentimental déchirant. Les cordes chargées de tristesse dénoncent l'injustice liée aux massacres de ces petits êtres innocents.
 
[divider]Tempête et désolation[/divider]
Neuf minutes ! C'est la durée de ce morceau gargantuesque dépeignant la tempête de neige qui se déroule au milieu du film. La neige, un lac gelé… la référence à Alexander Nevski de Sergei Prokofiev semblait s'imposer plus que jamais. James Horner la propose donc une nouvelle fois mais comme toujours avec les principes qui lui sont chers et qui caractérisent son œuvre : respect, continuité et progressivité. Ainsi la reprise se veut-elle subtile, parfaitement absorbée dans son discours et non redondante. Des cuivres funestes annoncent la catastrophe à venir sur un plan surréaliste de deux chevaux parcourant l'horizon. La tempête de neige fait rage au son d'une réminiscence fort logique de The Perfect Storm (2000). Puis la cavalcade des cordes et des cuivres s'élance sur deux longues minutes avant une légère accalmie qui laissera vite sa place à des obsessionnels ostinatos de cordes, à une reprise du thème du film sous un mode héroïque et désespéré. La fin percussive du morceau achève l'auditeur et l'amène vers une énième variation du motif à quatre notes.
[divider]La chasse aux loups[/divider]
Après ce morceau d'anthologie, la musique propose quelques passages plus doux qui développent la relation de Chen Zhen avec son loup. Le thème principal peut alors s'épanouir à l'image de ce petit loup qui ne demande qu'à grandir. Ce sont les derniers moments d’insouciance car les cuivres et les cordes tragiques viennent rappeler la menace qui pèse sur et à cause de la meute de loup. En effet, par manque de nourriture, elle se rapproche inévitablement des zones habitées et du bétail.
 
 
La conséquence directe est une attaque nocturne d'un troupeau d'ailleurs amplifiée par de sombres trombones et de subversifs ostinatos de cordes, véritables incarnations du caractère destructeur de la meute.dans la chasse aux loups. Ainsi un mouvement touchant de cordes accompagne la fin d'un couple de loups qui préfère se suicider plutôt que de mourir sous les balles. Puis la poursuite du chef de meute offre selon nous l'un des morceaux les plus incroyables du compositeur. Les mots ne sont pas assez forts ou précis pour exprimer les différents états émotionnels crées par les trois tableaux musicaux qui se succèdent au cours de ces six minutes incroyables : la tension, la peur, la colère, l’héroïsme, l'épique, la compassion, la tristesse, le recueillement. Planant et transperçant.
Le final est du même niveau. Un solo de cor majestueux enclenche l'ultime et vibrante variation du thème principal qui se déploie sur plusieurs minutes nous révélant ainsi tout son pouvoir émotionnel.
[divider]For Greater Glory, Pas de Deux, Wolf Totem[/divider]
Voici un magnifique trio qui nous confirme que la sensibilité musicale de James Horner s'exprime aujourd'hui sans contrainte et sans limite. Son style si personnel, son romantisme à fleur de peau semblent s'exprimer en totale liberté. De ces partitions se dégage une impression de liberté artistique et donc de sincérité. Comme si le compositeur était totalement débarrassé des contraintes liés aux désirs des producteurs. Face à ce déchainement d'émotions musicales il est bien difficile de faire la fine bouche et d'être déçu. Plus le temps passe et plus l'amour pour sa musique ressemble à un cadeau du ciel, à un bien précieux qui révèle à chaque fois un peu plus sa beauté.
 

Credit photo: © China Film Group / Reperage

Laisser un commentaire

Retour en haut