THE AMAZING SPIDER-MAN, LE TISSEUR D’ÉTOILES

Attention! Ce texte révèle une grande partie de l'intrigue du film.
« James Horner sur un film de super-héros !? »
 
Étonnement et questionnement. Telles furent nos deux réactions il y a neuf mois alors que nous étions en pleine attente d'Or Noir, quand Jim Henrickson, le fidèle monteur musical du compositeur, annonça la participation éventuelle de James Horner à la nouvelle adaptation cinématographique des aventures de Spider-Man.
Étonnement d'abord, car ce n'est pas un style d'univers dans lequel le compositeur s'aventure habituellement. En effet, en regardant bien sa filmographie, et en excluant le vengeur masqué Zorro, il n'a participé qu'une seule fois sur plus de cent films à une production mettant en scène un personnage de Comics, c'est à dire un justicier qui se distingue par des capacités extraordinaires ou par l'usage d'un équipement particulier. Cela remonte à 1991 et il s’agissait de Rocketeer, film pour lequel il avait livré une partition symphonique de haut vol afin d'accompagner les exploits aériens de Cliff Secord, jeune cascadeur passionné d’aviation qui découvrait une mystérieuse mini fusée lui permettant de voler en toute liberté.
Questionnement ensuite, car nous étions curieux de savoir comment James Horner allait aborder un genre auquel il s'est rarement adonné. Quelle direction sa musique allait-elle emprunter ? Parviendrait-il à se démarquer des compositions de Danny Elfman et Christopher Young composées pour la trilogie de Sam Raimi ? Pourrait-t-il une nouvelle fois apposer son style sur une grosse production qui laisse généralement peu de marge de manœuvre au compositeur et lui impose plutôt un moule formaté créé par les succès précédents devenus références ?
Le défi s’annonçait donc énorme à relever. D'autant plus que The Amazing Spider-Man partait avec deux handicaps.

Premièrement, il reprend à zéro une franchise récemment portée à l'écran (Spiderman 3 datant de 2007), et sera donc sévèrement jugé par tous ceux qui ont apprécié le travail fourni sur la trilogie précédente. Cette proximité ouvre ainsi grand la porte aux comparaisons et dénigrements gratuits.
Deuxièmement, il arrive sur un marché du film déjà inondé par les histoires de super-héros issus du monde de Marvel, dont l’engouement suscite nécessairement une attente exacerbée. En effet, nous avons eu droit depuis quelques années à des adaptations aussi diverses que X-Men, Les Quatre Fantastiques, Hulk, Ghost Rider, Iron Man, Thor, Captain America et dernièrement The Avengers. En regroupant une partie d'entre eux dans une seule intrigue, ce dernier est devenu le troisième plus gros succès financier de l'histoire du cinéma.

Même si l’emballement de la jeune, voir même de la très jeune génération, pour les exploits du tisseur de toile restait une garantie de succès en salles, les deux éléments précités rendaient pour le moins périlleuse cette nouvelle relecture des aventures de Spider-Man, l’une des figures les plus populaires de la bande-dessinée américaine. Ainsi, tout comme le film qu'elle accompagne, la musique de James Horner était-elle attendue au tournant.
Tout au long de notre analyse, nous suivrons pour une meilleure compréhension l'ordre chronologique des pistes dans le film.
 
 
En effet, contrairement à leur place sur le disque, les morceaux 02, 03 et 04 apparaissent bien plus tard lors de la vision du film. Le dynamique Becoming Spider-Man et le ludique Playing BasketBall ont sans doute été mis en avant afin d'animer et diversifier le début de l'album. Sans nuire à la cohésion de l’œuvre, ce positionnement altère néanmoins légèrement la construction musicale et dramatique de la partition. De plus, Secrets, The Equation, et Metamorphosis sont découpés en deux parties dans le film pour les besoins de la dramaturgie et de la précision scénaristique, quand cet impératif n’avait plus lieu d’être dans l’album. Il nous semble donc intéressant de privilégier l'ordre du film afin de saisir toutes les subtilités de la narration musicale construite par le compositeur.
 
Un nouveau kaléidoscope.
 
Dans les relations humaines, les premiers instants d'une rencontre sont souvent déterminants. Il en est de même pour les premières secondes d'un film et d'une musique. Le premier contact induit le jugement et l'appréciation. James Horner l'a bien compris et l'a déjà expliqué : selon lui, l'introduction doit laisser planer un minimum de mystère sur l'orientation musicale que va prendre la musique. C’est pour cette raison qu’il a toujours porté beaucoup d'attention au premier morceau de ses partitions. Il suffit de repenser par exemple à la virtuosité condensée dans le début de Plaza Of Execution (Le Masque De Zorro) ou de The Machine Age (L'Homme Bicentenaire) pour s'en convaincre. Main Title / Young Peter, qui ouvre The Amazing Spider-man tout en nuances et en tension maîtrisée, ne déroge pas à cette règle.
C'est un son synthétique qui nous accueille. Un son étrange proche du violon d’où émerge une voix elle aussi artificielle et qui reprend quasiment à l'identique la même note. L'effet de confusion ainsi créé favorise l'instauration d'une ambiance étrange, parfaite pour accompagner le logo de Columbia Pictures. Puis une seconde voix surgit, l'ensemble s'apparente alors aux premiers cris d'un nouveau né. C'est le premier souffle de la vie, la naissance d'un super-héros. Une grande bouffée d'air avant de s'engager dans un challenge musical : raconter les origines du tisseur de toiles. Enfin, au diapason des images des comics de Marvel défilant à l'écran, le piano développe un motif progressif, fil conducteur du morceau et de la première partie de la partition. Son exécution dans un premier temps rapide rappelle un peu le piano du Signes de James Newton Howard (Hand of Fate 2). Ces notes, cousines de celles entendues dans Playing A Game Of Go (Un Homme D'Exception), constituent le premier élément musical non synthétique, permettant alors à la musique d’avancer et d’évoluer. Toutefois, l'électronique n'est pas oubliée pour autant car des pulsations démarrent en même temps que le piano et l'accompagnent dans sa progression. En quelques secondes, James Horner a déjà établi l’une des grandes orientations de sa nouvelle partition : le mélange d'éléments musicaux traditionnels et électroniques. Certes depuis trente ans cette dualité a constamment été au cœur de son œuvre, mais depuis Avatar, Karaté Kid et l'arrivée du compositeur-arrangeur Simon Franglen dans son équipe, elle semble prendre un nouveau virage et va ici connaître un développement encore conséquent.
De ce tissu musical surgissent quatre notes de trompette, brides du thème de l'homme-araignée. Celui-ci se dévoile progressivement avant de s'exposer complètement à partir de 0'57, sept secondes après l'apparition du titre du film à l'écran, dans un soubresaut électronique qui participe à l'éclosion de la mélodie. Séduisante, cette dernière accroche tout de suite l'oreille et évoque à merveille l’héroïsme des actions qui seront réalisées par Spider-Man. Véritable leitmotiv du personnage, tel un jingle plaçant inconsciemment le spectateur dans les dispositions adéquates, il connaîtra des variations diverses tout au long des presque 80 minutes du disque en fonction des situations rencontrées. Perfectionniste, le compositeur prolonge pour l'album la partie musicale qui suit l'exposition du thème (1'24 à 1'48) alors que dans le film la bande originale passe directement à l'accalmie de 1'50 pour lancer la première scène du long-métrage.
Le motif au piano refait surface mais ralentit son exécution pour laisser la place à un doux filet de cordes venu soutenir le chant solo angélique du jeune Luca Franglen, vocaliste déjà entendu dans Becoming One Of The People (Avatar). C'est l'enfance de Peter Parker qui est dépeinte. Celui-ci joue à cache-cache avec ses parents à travers les pièces de la maison. A 2'15 les cordes s'élancent dans une réminiscence de You Don't Dream In The Cryo (Avatar) annonçant une ambiance qui s'assombrit dès que l'enfant pénètre dans le bureau vandalisé de son père. L'heure n'est plus au jeu. A 2'50, l’inquiétude grandit au son de la voix de Dhafer Youssef et des violoncelles qui entament une montée angoissante : « Qui est entré en brisant la vitre? Que cherchait-il ? Où sont mes parents ? » Autant de questions qui semblent traverser l'esprit du jeune garçon. À 3'17, au son du martèlement des pianos et des percussions synthétiques, Richard Parker surgit et saisit son fils pour quitter expressément le foyer familial qui était paisible et sécurisant il y a encore quelques instants. La musique semble à présent avancer au rythme des pattes d'une araignée qui se succèdent sur le sol. Là où Danny Elfman avait privilégié les percussions afin d'évoquer cette marche arachnéenne, James Horner leur préfère le piano, instrument de prédilection qu'il aime souvent démultiplier. Ainsi plusieurs pianos se superposent-ils pour nous offrir une ornementation riche et percutante. La fuite continue avec des cordes tout droit sorties de Karaté Kid (Backstreet Beating – 1'21) quand toute la famille roule à travers la ville afin de se réfugier chez oncle Ben et tante May. À 4'05, la transition se fait une nouvelle fois au son du motif au piano qui revêt cette fois une couleur plus froide et inquiétante à la hauteur du mystère qui entoure les événements qui vont pousser les parents du jeune Parker à le laisser aux mains de son oncle et de sa tante. La séparation a lieu à 4'10, quand le thème sentimental fait son entrée, illustrant la tendresse et l'amour portés au jeune garçon. Thème exécuté au piano par James Horner lui-même, ce thème renvoie à cette sensibilité intimiste dont il a le secret. Après avoir assuré chaque transition de Main Title / Young Peter, le motif du piano conclut en toute logique celui-ci sur les derniers mots de Richard Parker adressés à son fils : « Sois sage ».
« Ce morceau donne les bases du reste de la partition, c'est un kaléidoscope composé de plusieurs éléments qui chacun leur tour nourriront la musique tout entière. »1 Onze ans après, les propos de James Horner au sujet de l'introduction d'Un Homme D’Exception restent d'actualité pour celle de The Amazing Spider-Man. Le motif au piano, le thème principal et le thème sentimental exposés au cours de ces quatre premières minutes composent la charnière centrale de cette nouvelle partition et ils vont à tour de rôle s'illustrer au sein des dix neuf pistes suivantes.
 
A Beautiful Spider.
 
Peter et oncle Ben tentent de réparer une fuite au sous-sol, événement en apparence banal mais qui va changer la vie de l'adolescent. En effet, il tombe par hasard sur le vieux porte-document en cuir de son père. Le souvenir de la nuit où il a été séparé de ce dernier ressurgit alors. S'ouvre ainsi le morceau A Brief Case, dominé par le motif omniprésent au piano qui connaîtra ici son premier développement. Tout d'abord étonnante, la réminiscence de Playing A Game Of Go prend tout son sens à la vision du film quand lors de la scène précédente nous est présenté un Peter Parker introverti et subissant les avanies de Flash Thompson, un camarade du lycée indélicat. La situation d'isolement et de crise identitaire dans laquelle il est plongé renvoie aisément à celle du professeur John Nash dans Un Homme D'Exception. Ce sont deux êtres en quête d'identité, génies des sciences et qui doivent percer un mystère. Dans le film de Ron Howard, John Nash recherche obstinément une formule expliquant « la dynamique de l'univers », tandis que Peter Parker semble vouloir trouver un sens à la mystérieuse disparition de ses parents.
En même temps qu'il adopte les lunettes de son père trouvées dans la sacoche, les dernières paroles de ce dernier lui reviennent, soutenues avec tendresse par le thème sentimental (1'14), comme à la fin de Young Peter. Puis il découvre dans la doublure du porte-documents une mystérieuse formule, « l’algorithme du taux de régression ». Des cordes lourdes engagent alors les premières notes du thème sentimental mais sous une tonalité si sombre (2'22) qu'il en devient presque méconnaissable. Comme si ses parents, en dépit de leur affection et peut-être à cause d’elle, cachaient un lourd secret. Un bref solo de cor vient accentuer le caractère sérieux et intrigant de cette découverte. Mais la curiosité grandissante du jeune homme est interrompue par des coups frappés à la porte de sa chambre.
C'est oncle Ben qui vient divulguer l'identité d'un collaborateur de son frère Richard, présent sur une photo de la sacoche. Il s'agit de Curtis Connors, le plus grand spécialiste de la science des reptiles. En quittant la chambre, le père adoptif taquine Peter sur le joli minois de Gwen Stacy présent sur le fond d'écran de son neveu, donnant ainsi l'occasion à James Horner de placer une courte et discrète variation du thème sentimental au début du morceau Secrets. À 0'12, des violons proches de ceux entendus dans Titanic (Hard To Starbord à 3'25) assure la transition vers un nouveau motif binaire de dix notes jouées à la flûte et au xylophone, proche de celles croisées dans Les Experts ou Un Homme d'Exception, deux partitions en lien avec les mathématiques et l'informatique. Elles apparaîtront dès que le lycéen cherchera des informations sur internet ou dans un livre au sujet du Docteur. Pendant ce temps, les cordes et les cuivres préparent une montée musicale qui débouchera à 0'50 sur une haute et majestueuse variation du thème principal digne des 108 étages d'innovations militaires, médicales et chimiques de la tour Oscorp, où se rend Peter afin de rencontrer l'ancien associé de son père.
Le jeune homme réussit à s'infiltrer dans les laboratoires sécurisés de la tour. Du mystère et de la tension perçus au début de The Spider Room émane d'une combinaison de cordes graves qui interprètent des phrasés de quatre notes, simplification et variante des cinq premières du thème principal. Puis le motif anxiogène à la flûte issu de Manual Burn (Apollo 13) marque l'entrée dans la salle des arachnides génétiquement modifiées (0’42) – c'est d'ailleurs ce motif qui surgit dans le film quand une pluie d’araignées tombe sur le jeune homme. Débute ensuite une progression musicale comprenant le thème principal au cor, des à-coups de violoncelles puis un développement du motif au piano. Le tout soutenu par des cordes et sonorités cristallines qui vont petit à petit accélérer le rythme de la musique en même temps que l'intrus happé par sa curiosité s'approche des toiles tissées dans la pièce.
 
Peter est piqué par une araignée lors d'un morceau absent du disque, mais la découverte des premiers effets de la morsure intervient durant Rumble In The Subway, scène comique où notre héros, sur le chemin de la maison, ne contrôle absolument pas ses actes : il se retrouve ainsi au plafond de la rame du métro suite à l'activation de son sixième sens qui l'avertit de chaque danger, une de ses mains reste scotchée au petit haut d'une passagèreBref, autant de choses anormales qui se produisent et permettent à James Horner de réintroduire à cette occasion une flopée de sons électroniques. Du côté de l'orchestre, tandis qu'une clarinette basse entonne le thème principal, le tuba ironise sur la situation et finalement les cordes concluent de manière énergique ce trajet insolite.
 
La seconde partie de Secrets (1:07 => 2:30) accompagne le retour tardif au foyer familial et le comportement étrange de l'adolescent lors de son arrivée : il protège sa tante d'une mouche en la saisissant en plein vol avec juste deux doigts, et il dévalise le frigo tout en vantant les mérites des plats qu'il avait toujours détesté. Les deux parents adoptifs s'inquiètent mais le ton de la scène reste léger, humoristique. Tout comme la musique qui prend la forme d'une berceuse inoffensive et rafraîchissante, dominée par le piano, des chœurs synthétiques et des sons de clochettes un peu à la manière de Jacket On, Jacket Off (Karaté Kid) où le rapport adulte-adolescent était déjà un élément central.
 
Changement radical d'ambiance le lendemain matin avec les deux glissandos glaçants joués par des cordes stridentes qui introduisent le court Hunting For Information. Peter observe une araignée de sa chambre, il repense à la morsure de la veille au laboratoire et en déduit qu'elle a eu des conséquences directes sur ses capacités physiques. À 0'26, le motif au piano refait surface, les cordes continuent leur inquiétant ballet, réminiscence de l'apparition de Mr Dark dans La Foire Aux Ténèbres, sauf qu'en 1983 la harpe remplaçait le piano. Peter Parker serait-il en train de se transformer en homme aux pouvoirs inquiétants comme le propriétaire de la fête foraine sortie de l'imaginaire de Ray Bradbury ? A la fin de la première minute du morceau, James Horner réussit d'un claquement de doigts à faire basculer totalement l'atmosphère de celui-ci. Après une petite touche de harpe, il réintroduit le motif de dix notes entendu au début de Secrets. Rien de plus logique puisque Peter approfondit ses recherches sur le Docteur Curtis Connors avec la ferme intention de l'interroger sur les zones d'ombres qui entourent la disparition de ses parents.
D'ailleurs, la piste suivante (The Equation) met en musique la rencontre avec le scientifique. Ce dernier lui fait peu de révélations mais semble obsédé par « l’algorithme du taux de régression » de Richard Parker et la récupération de son bras droit amputé. L'orchestration simple à base de deux guitares sèches et de violons propose une variation inédite du motif au piano. Le son boisé de la guitare apporte au motif un aspect concret comme si Peter n'avait jamais été aussi prêt de connaître la vérité sur ses parents. Cette orchestration révèle également le caractère binaire du motif, à la manière de celui crée pour Les Experts où le compositeur avait recherché à transcrire le langage mathématique en musique.
Peter croit en l’honnêteté du Docteur et évoque donc avec lui les possibilités offertes par une éventuelle découverte de l'équation afin de réussir le transfert génétique inter-espèces. Une obscurité latente s'instaure alors à partir de 1'27. Le compositeur dévoile à travers les cordes puis le hautbois une thématique funeste liée aux conséquences de la manipulation génétique. Parker écrit sur un bloc-notes la formule de son père au son du motif mystérieux, de chœurs synthétiques et de cordes descendantes évoquant Apocalypto (From The Forest) et Avatar (Pure Spirit Of The Forest). Grâce à cette révélation, les miracles de la nature vont sans doute être contrôlés par l'Homme, animal avide de pouvoir.
 
Dans le bref mais amusant Playing Basketball, le compositeur construit à l'aide d'une trompette, de cordes pincées ou encore du thème principal repris au tuba, le plaisir que prend Peter à l'aide de ses nouveaux pouvoirs a ridiculiser Flash, son ennemi du lycée, dans l'activité sportive où il excelle. Nous ne sommes pas loin de la musique rythmée et malicieuse d’Aaron Copland que James Horner a déjà exploré dans les années 80, notamment dans Natty Gann (Rustling). Dommage que la courte durée du morceau empêche un développement plus conséquent de la mélodie et de la rythmique.
 
The Ganali Device conclue la première partie de la partition, aboutissement des recherches du jeune Parker. Il se rend au laboratoire du Docteur Curtis Connors afin de tester avec succès sur une souris amputée d'un membre la formule du porte-documents. L'excitation de mettre en application le travail resté caché de son père et le fait de réussir le projet insuffle un caractère lumineux à ce morceau. A partir de 0'31, les pianos interprètent la thématique de l'intelligence déjà employée par James Horner dans A La Recherche De Bobby Fischer et bien sûr Un Homme D'Exception. Le motif au piano est enjoué et sautillant (1'02) et la musique suit son ascension jusqu'à une envolée du thème principal pleine de fierté et de joie (1'37). The Ganali Device est un nouveau tableau en l'honneur des prouesses du cerveau humain. La conclusion sur le fameux motif au piano sous une forme joyeuse et fière prouve que le jeune Peter Parker a enfin trouvé un début d'harmonie spirituelle avec la disparition de ses parents.
 
En dehors des pistes facétieuses (Rumble In The Subway, la fin de Secrets, Playing Basketball) la plaque tournante de cette première partie de l'album reste le motif au piano. A travers ses multiples variations et couleurs il suggère le mystère, les prouesses de la science et la construction de l'identité du personnage principal. L'ouverture du film de Marc Webb sur une partie de cache-cache entre le jeune Peter Parker et ses parents n'est pas anodine, car dans le premier tiers du long métrage celui-ci recherche la vérité sur leur disparition. Cette quête lui permet de se construire peu à peu, il se découvre des compétences dans les sciences et lui permet de cicatriser ses blessures de l'abandon.
Malgré quelques apparitions brèves mais remarquées, le thème principal reste en retrait car Peter Parker n'est pas encore devenu Spider-Man, tout comme le thème sentimental est à peine esquissé car la tendresse des parents est un lointain souvenir, et la relation avec Gwen Stacy n'est pas totalement éclose. Toutefois, la suite va changer cet équilibre car les sentiments vont prendre le dessus sur la science et New York vavite avoir besoin de l'homme-araignée pour contrer une menace reptilienne.
 
La mort transforme la vie.
 
Ben's death marque un virage dans l'album comme dans le film. Après une dispute, Peter quitte la maison de son oncle qui part immédiatement à sa recherche. La suite fait partie de la mythologie bien connue de Spider-Man : l’adolescent assiste à un hold-up mais laisse filer le voleur prétextant que ça ne le regarde pas. Seulement ce dernier va tuer d'une balle son oncle qui tentait de l'arrêter.
La violente marginalité des actions du voleur est mise en musique par des cordes agressives et suffocantes accompagnées de synthétiseurs. Après un court silence, la sensation d'inconfort est accentuée (0'30) lorsque le truand tire le coup fatal.
Au son d'un magnifique solo de cor, Peter découvre que l'homme touché est son oncle. La voix de Dhafer Youssef s’élève en reflétant des idées de perte et de souffrance récemment développées dans Or Noir, tandis que le piano rappelle des partitions du début des années 90 telles que Jeux De Guerre ou Cœur de Tonnerre.
Commence alors le passage le plus triste de l'album : à 1'34, la finesse des violons horneriens, ponctuée de quelques notes délicates au piano, accompagne la détresse de Tante May. Quand Peter voit le portrait robot du tueur et comprend qu'il est en cause dans la mort de son oncle (2’00), la gravité envahit le jeu des cordes par l'arrivée des contrebasses. Puis le piano amène la transition vers un élan des cordes à la fois pudique et déchirant (3'13) quand Gwen enlace Peter pour le réconforter. L’orchestration fait écho à des émotions qui parcouraient déjà la partition de Karaté Kid dans ses moments les plus intimes, c'est à dire lorsqu'elle devait évoquer le mal-être du jeune Dre… Parker.
La tristesse prend fin à 3'43 avec l'apparition d'une pulsation synthétique et le retour de l'obscurité dans la section des cordes qui laissent présager un sombre avenir. La mort de son oncle va définitivement changer le mode de vie de Peter. Il prend dès lors l’habitude de s'aventurer la nuit dans les ruelles malfamées de New York en espérant recroiser l’assassin de son oncle, qu'il pourra reconnaître à l'aide d'une étoile tatouée sur le poignet gauche. Une de ses virées l'amène à affronter une bande de voyous, donnant lieu à un jouissif déchaînement électro-orchestral enclenché par des cris guerriers (4'27). Une rythmique digne de celle déployée par Les Tambours Du Bronx, groupe de percussions urbaines français, et des cordes vivaces soutiennent la chasse à l'homme sur les toits. Soudain, un motif de trompette tout droit sorti de l'aérien Apollo 13 brise la ligne musicale tandis que Peter se réceptionne à quatre pattes sur un mur (4’51). Des sons électroniques bondissants marquent sa progression à la verticale dans une position d'araignée le long de la façade de l'immeuble. Puis la trompette donne le signal de la reprise du déploiement musical auquel s'ajoute une apparition entraînante des premières notes du thème principal.
 
Notre jeune acrobate échappe finalement à ses poursuivants mais il chute quelques mètres plus loin à travers la toiture d'une salle de catch. En reprenant ses esprits, il tombe nez à nez avec une peinture géante d'un masque rouge dessiné en l'honneur d'un combattant du ring. C'est à ce moment que débute Becoming Spider-Man avec une orchestration céleste composée de sonorités synthétiques et chœurs d'enfants. Les cordes de l’orchestre s'amplifient en même temps que l'idée du costume et du masque germe dans l'esprit de Peter, prenant conscience qu’il s’agit du moyen idéal de passer inaperçu lors de ses prochaines escapades nocturnes. La suite du morceau accompagne une séquence de petites scénettes qui alternent entre les premiers exploits de l'homme araignée et les différents essais réalisés par l'adolescent sur la fabrication du système de câbles ultra légers et résistants qui lui permettra de se suspendre dans le ciel de Manhattan, ou encore la confection de son costume à partir d'une combinaison de bobsleigh. Le thème principal retentit à chaque évolution du personnage.
James Horner nous prouve une nouvelle fois son aisance à créer des transitions musicales grâce aux chimes (0'36 et 3'00), aux cymbales (1'16 et 3'42), à la harpe (2'44) ou encore à partir de deux coups de semonces de l'orchestre (0'50) provenant directement de Wonders Of Wealth (Or Noir) et qui correspondent à l'atterrissage dans une corbeille d'un gobelet et d'une paille lancés de plusieurs mètres par Peter ! La précision faite musique, avec ce qu’il faut d’esprit pour la rendre savoureuse.
Les chœurs célestes représentent toute l’ingéniosité du jeune garçon dans sa conception du dispositif lanceur de toiles. Une montée musicale s'enclenche (1’16), amorcée par les pianos aériens déjà entendus en 2010 dans le survol de la muraille de chine (From Master To Master Karaté Kid) ou la partie planante de Write Your Soul, pièce musicale composée pour une équipe de pilote de voltige. Rien de plus normal alors que cette ascension de l'orchestre, qui débouchera sur une explosion du thème principal (1'30), prenne place au moment où le héros joue au funambule en haut d'un immeuble et teste pour la première fois son ingénieux système, le silence à 1'50 marquant une chute de plusieurs dizaines d'étage rattrapée de justesse.
La seconde moitié du morceau (à partir de 2'00) suit le début de notoriété que l'homme-araignée se construit auprès de la population new yorkaise en arrêtant en plein jour des malfrats qui présentent le même profil que le tueur de son oncle. Les policiers commencent alors à mener leur enquête sur l’identité de ce « justicier », le piano (2'50) nous rappelant au bon souvenir des thrillers ou films policiers mis en musique par le compositeur (L'Affaire Pélican, Flightplan). Au rythme d'une mélodie électronique (3'15), Peter voit ensuite sa popularité grimper, à l’image des camarades du lycée qui débattent d'une vidéo de ses exploits circulant sur internet. Son costume finalisé, Spider-Man peut enfin apparaître à l'écran et s'élancer du haut des buildings de la ville, poussé par un crescendo de trompettes déjà utilisé dans le final de Write Your Soul et cher au compositeur pour illustrer ce genre d'envolée (voir aussi Les Chroniques De SpiderwickThe Flight Of The Griffin). Tandis que des chœurs triomphants concluent Becoming Spider-Man, le jeune super-héros surplombe et contemple New York, son futur terrain de chasse. Une nouvelle vie commence pour Peter Parker.
 
Très vite, Spidey intercepte un nouveau voleur mais, incompris de la police, il doit fuir face aux patrouilles de la NYPD. Une chasse s'engage alors au milieu de la circulation. La musique (seconde partie de Metamorphosis, de 1'49 à 3'04) met en avant des trombones percutants et des violons agités et pressés, créant ainsi une dynamique, une course vers l'avant que nous pouvions trouver dans les courses poursuites à pied et la bande-originale de L.A. Noire, jeu vidéo sorti en 2011. Le thème principal dans toute sa splendeur s'illumine (2'33) lorsque le tisseur de toiles sème les forces de l'ordre en survolant le trafic routier.
 
La naissance d'un ennemi, La naissance d'un amour.
 
« Je refuse. » Deux mots qui vont sceller le destin du Docteur Curtis Connors. Ce dernier décide en effet de s'opposer à la volonté des dirigeants d'Oscorp et de tester sans délai la formule sur les humains. Cette phrase enclenche les quarante-sept premières secondes de Saving New York, à l'atmosphère proche du morceau Alexander Platz composé par John Powell (The Bourne Supremacy). C'est une ambiance lourde qui sonne le congédiement du Docteur.
Dans la seconde partie de The Equation (à partir de 2'22), les cordes héritées de Pure Spirits of The Forest (Avatar) escortent la détresse du docteur. Désespéré, il prend la décision de s'injecter le transfert génétique inter-espèces (2’45) et subit le premier symptôme suite à l'injection, avec une souffrance indicible qui augmente progressivement, des sonorités électroniques et les cuivres l'accompagnant jusqu'à l'évanouissement (3'10). Nous retrouvons ensuite Peter invité pour le dîner chez les parents de Gwen, où James Horner au piano nous offre un moment de douceur en dépeignant les prémices de l’idylle entre les deux adolescents. Le thème sentimental n’apparaît pas clairement car ils apprennent encore à se connaître.
Retour sur le Docteur Connors avec la première partie de Metamorphosis. : une variation des quatre notes qui suivaient le Docteur Nash dans Un Homme D’Exception berce le réveil du spécialiste des reptiles. Quand il découvre (0'35) que son bras droit a repoussé, ce miracle est acclamé judicieusement par une envolée de l'orchestre identique à celle de A Change Of Heart (Le Grinch), morceau qui en 2001 décrivait déjà une transformation. Mais à 1'10 la musique et le docteur Curt Connors changent de visage. Celui-ci veut à tout prix arrêter le dirigeant d'Oscorp en possession de la formule, qui se dirige vers Brooklyn par le pont de Williamsburg. La tension monte d'un cran via la section des cordes qui entonne une danse macabre survoltée. La colère du scientifique provoque un effet secondaire et indésirable de l'injection qui le voit se métamorphoser en lézard géant.
Au même moment, après un dîner conflictuel entre Peter et George Stacy, père de Gwen et capitaine de la police New Yorkaise, au sujet des actions de l'homme-araignée, les deux camarades de classe s'isolent sur le toit de l'immeuble sur les premières mesures de Rooftop Kiss. La délicatesse du piano, héritée du magnifique An Apparition In The Fields (Le Nouveau Monde), ouvre la première minute de l’une des pistes les plus douces de l'album. Peter use de sa toile pour rapprocher Gwen contre lui, révélant ainsi sa double identité. L'élan mélodique du hautbois (1'36) puis des violons (2'00) dans une nouvelle version épanouie du thème sentimental, immortalise le rapprochement des deux corps, suivi du premier baiser. Et si les cordes semblent s'assombrir dans les ultimes secondes de cette douzième piste de l'album, c'est parce que ce moment romantique est interrompu par les sirènes de police et le sixième sens de Peter. Le devoir l'appelle en direction du pont…
 
Les masques tombent.
 
Un rugissement de trombones sonne le commencement de The Bridge et nous accueille sur le pont menacé par le Lézard. La voix stridente de Dhafer Youssef et des cordes paniquées expriment la frayeur collective qui gagne les automobilistes bloqués au dessus de l'East River. Le thème principal marque l'arrivée de Spider-Man sur les lieux (0’36), mais rapidement un mélange agressif, élaboré à l'aide de percussions électroniques, de cuivres et d'une guitare électrique, matérialise les dégâts provoqués par le reptile géant, notamment envers le véhicule du dirigeant d'Oscorp. Obligé d'agir sans attendre, notre justicier stoppe les exactions de son ennemi en suspendant à l'aide de ses toiles les voitures en chute libre, puis s'élance vers le reptile au son d'une courte fanfare (1'18). La plainte du chanteur tunisien et les percussions rappelant Hard To Starboard (Titanic) incarnent le danger qui pèse sur les vies des passagers et de notre héros.
Soudain, un père de famille appelle à l'aide, car son fils est resté coincé dans leur voiture suspendue. Le sauvetage aurait pu se dérouler normalement, du moins pour un super-héros, si la voiture n’avait pas pris feu, ce qui oblige Spider-Man à puiser dans ses retranchements et briser sa désinvolture en prenant à ce moment là réellement conscience de la portée humaine de ses actes. Peter Parker n’est plus seulement l’adolescent galvanisé par ses nouveaux pouvoirs, mais aussi et surtout un homme hors du commun investi d’une mission, conscient de sa responsabilité envers ses semblables. Cette métamorphose psychologique est transcendée par la musique de James Horner.
Suivis d'un solo de Lisbeth Scott, les cors personnifient l'acte héroïque dans lequel s'engage Spider-Man en sauvant le petit garçon (1’42). Puis la voix angélique du jeune Luca Franglen, réminiscence de la première piste de l'album, illumine les efforts de l'enfant qui, sous les encouragements de Peter, a revêtu son masque et tente d'échapper aux flammes. Enfin le thème sentimental vient appuyer les retrouvailles du jeune rescapé avec son père. Tendre moment qui rappelle à Spider-Man toute l'affection que lui portaient ses propres parents et lui fait donc prendre conscience de la nécessité d'aider son prochain.
A 4'02, le thème principal déclare la victoire de l'homme-araignée dans cette première bataille contre ce monstre à l'origine encore inconnue. Affaibli, celui-ci se réfugie dans les égouts afin de retrouver sa forme humaine. Le hautbois évoque la solitude du personnage avant que Dhafer Youssef et le motif au piano ne soulignent la disparition de son nouveau bras et donc la fin de l'effet de l'injection.
 
Le lendemain au lycée, Gwen fait part à Peter de son inquiétude vis à vis des risques encourus.
Le morceau Peter's Suspicions s'ouvre sur le thème principal interprété par un solo de clarinette qui accentue les arguments du jeune Parker pour convaincre son amie de la nécessité de ses interventions masquées. Le couple s'embrasse, soutenu par la féerie d'un chime entouré du piano et des cordes.
Comme souvent chez le compositeur, le cor amène la transition vers la scène suivante qui voit Peter se rendre au laboratoire étrangement vide du Docteur Curtis Connors, dans le but de l'interroger sur les moyens de vaincre un reptile. Souvenons-nous de l'ombre menaçante qui planait à la découverte de « l’algorithme du taux de régression » dans The Brief Case, car elle s'étend ici sur plus de deux minutes angoissantes. Le motif au piano fait son retour aux côtés des cordes schizophrènes d'Un Homme d'Exception. A 1'08, une flûte synthétique proche du sakuhachi et une note répétée au piano scandent l'apparition soudaine du Docteur. Inquiétant et froid comme la musique, il se montre trop peu coopératif pour ne pas éveiller des doutes chez Peter. Le final du morceau s'amorce au rythme des cordes et de percussions synthétiques (2’32), l'esprit du savant perverti représentant à présent l’antithèse de The Ganali Device, le côté obscur de la science et de la manipulation génétique. Incité à quitter expressément le laboratoire, le fils de Richard Parker découvre sur son chemin une souris cobaye en train de muter en lézard qui dévore sa congénère. Terrible vision exprimée par le cri d'effroi de l'orchestre, tel celui entendu, à un degré moindre, à la fin de Strange New Clothes (Le Garçon Au Pyjama Rayé).
Un premier masque est tombé.
 
Peter se précipite alors au commissariat pour avertir le capitaine Stacy, mais ses accusations ne sont pas prises au sérieux, tout du moins en apparence. Il se voit donc obligé d'apporter des preuves en photographiant le Lézard.
Guidé par son intuition, le jeune homme descend dans les égouts pour le rechercher. Making a Silk Trap suit alternativement Spider-Man et le Docteur Connors. Quand nous entendons les chœurs, nous voyons le premier construire un piège pour détecter le passage du reptile géant, et entre les phrases des chœurs au rythme des sonorités et percussions électroniques nous observons le scientifique poursuivre ses expérimentations en se préparant une deuxième injection. La métamorphose se produit sur une nouvelle incantation de Dhafer Youssef (1'41).
Le piège en forme de toile d'araignée a détecté une présence… Le Lézard approche. La fin stressante du morceau entre voix et synthétiseur crée le suspense juste avant la confrontation.
Sévèrement griffé, Spider-Man réussit à s'échapper mais laisse au Lézard son appareil photo sur lequel la mention suivante apparaît : « Propriété de Peter Parker ».
Le second masque est tombé.
 
Un trio palpitant.
 
James Horner livre avec les trois morceaux Lizard At School !, Saving New York et Oscorp Tower, quatorze minutes de musique d'action où vont s'entremêler moments de bravoure, de doute et d'angoisse.
 
Lizard At School !
Comme le nom du morceau l'indique, le Lézard s'attaque au lycée afin de surprendre Peter Parker. Il surgit en détruisant les toilettes de l'établissement. Des cordes glaçantes appuyées par les trombones entonnent la thématique malfaisante développée dans Peter's Suspicions. À 0'30 et à 1'04, l'orchestre développe un thème percutant représentant les coups et dégâts presque désordonnés réalisés par le Lézard. Peter se contente de les éviter jusqu'à la pause électronique (1'13) où il trouve le temps de s'éclipser afin d'endosser son costume. Spider-Man réapparaît, en costume et en musique, à 1'22. La partition prend alors une tournure plus positive avec un développement du thème principal. La confrontation s'équilibre, même si les vagues puis les martèlements à partir de 2'02 semblent indiquer un sursaut éphémère de la bête. Heureusement, les cordes virevoltantes et héroïques (2'26) reprennent le dessus. Le sursaut final marque l'évacuation peu orthodoxe dans une zone sûre de Gwen par Spider-Man.
L'affrontement se conclut avec l'arrivée des patrouilles de police qui encerclent l'établissement et obligent ainsi le Lézard à s'enfuir. L’homme-araignée trouve son laboratoire secret dans les réseaux de conduits souterrains de la ville et y décèle le funeste dessein que le Lézard prévoit à cette dernière : propager à partir du sommet de la tour Oscorp une bio-toxine qui transformera la population entière en reptiles. Immédiatement, il prévient Gwen qui part à la tour pour concevoir un antidote.
 
Saving New York
Le Lézard sort de sa cachette et teste sa résistance aux balles des policiers. Ces dernières ayant peu d’effet sur lui, du fait de son pouvoir de régénération immédiate, il décide alors de rejoindre la tour par les rues en commençant à contaminer la population.
Lancé à sa poursuite, Spider-Man se retrouve à terre, entouré par les forces spéciales. A partir de 0’47, les cuivres retentissent quand un agent lui retire son masque. Mais grâce à son agilité et ses toiles, il neutralise toute l'escouade et son visage demeure invisible. Seul un homme, le père de Gwen, reste debout. Les chœurs et la voix de Lisbeth Scott font alors leur apparition en donnant un caractère épique à la rencontre entre les deux hommes. Instant crucial où le capitaine reconnaît l'ami de sa fille. « Cette chose se dirige vers Oscorp et votre fille se trouve là-bas en ce moment. Vous devez me laisser partir. », lui lance Peter. Prenant conscience des enjeux et saisi par l’amour qu’il porte à sa fille, Georges Stacy baisse son arme. Une variation solennelle du thème principal (1'39) commence lorsque Spider-Man se relève, réenfile son masque et s'élève dans les airs. Malheureusement, un tireur inattentif touche une jambe de l'homme-araignée lors de son envol, occasionnant une blessure qui ne manquera pas de donner un cachet dramatique supplémentaire aux scènes suivantes, sublimées par les notes de James Horner, « emotionalist » jusque dans les scènes d’action. Un coup de cymbale recouvre alors le thème à 1'52 pour évoquer l'impact de la balle.
Puis la musique s’accélère, lancée par les trompettes, quand le Lézard pénètre dans la tour en brisant une vitre de la façade. Nous retrouvons Gwen au laboratoire en train de finaliser l'antidote. Les cordes de Backstreet Beating (réminiscence de Karaté Kid), soutenues par une rythmique électronique, suivent les actions précipitées de l'assistante stagiaire du Docteur Connors. Sans autre forme de transition, des pianos martelés violemment annoncent l'arrivée du Lézard dans le laboratoire. L’ombre de Györgyi Ligeti, son professeur, plane toujours sur l’œuvre de James Horner. Gwen se cache comme elle peut, en possession de la clé permettant d'activer le diffuseur de gaz du sommet de la tour. Le silence s'installe. Silence évocateur qui renforce la tension au moment où elle est débusquée. Le cri strident revenu d’Alien Le Retour précède le hurlement de la jeune fille. Le Lézard s'empare de la clé et poursuit son ascension. Il la laisse choquée mais libre de récupérer l'antidote.
A 3'06 les cordes expriment avec lamentation l'évacuation de la ville et la détresse d'un Spidey blessé qui n'a plus la force de rejoindre sa cible. Une montée des cuivres échappée de Mon Ami Joe (3'35) accompagne l'ascension du Lézard, immédiatement prolongée par une autre réminiscence, provenant de Légendes D’Automne (3'49). Celle-ci dure le temps qu'un téléspectateur des événements, le père de famille rencontré sur le pont de Williamsburg, décide de motiver ses collègues grutiers pour ouvrir une voie royale au justicier masqué. Ce dernier épuise le peu d’énergie qu'il lui reste, ce que la musique évoque avec force et sensibilité, comme toujours chez James Horner. Son désespoir transparaît à travers une envolée chorale et orchestrale massive (4'05), proche, en plus bref, de celle qui conclut le Betrayal de Stalingrad. Plus de temps à perdre. Entraînés par une progression épique de l'orchestre, étalée sur plusieurs rythmes, à l'image de celle déployée dans le récent Battle In The Oil Fields (Or Noir), les ouvriers font tourner toutes les flèches des grues de la sixième avenue vers la rue afin d'offrir cette voie royale au sauveur de New York. L'apogée émotionnelle du morceau est atteinte quand les chœurs et les solistes, Lisbeth Scott et Luca Franglen en tête, exécutent un chant rassembleur et héroïque durant lequel Spider-Man se prépare pour l'ultime série de sauts qui le séparent de son objectif. Il prend son élan tel un champion de saut en longueur, mais sa toile est trop courte… Il disparaît alors dans un silence inquiétant… vite rompu par la réapparition de Spidey sur une grue placée en contrebas, celle du père reconnaissant qui vient aider à son tour le sauveur de son fils, réussissant donc à le récupérer in extremis. L'orchestre peut alors reprendre son discours là où il l'avait laissé et préparer une exécution triomphante du thème principal, symbole des bienfaits de la solidarité.
Enfin, ce morceau gargantuesque se conclut à 7'08 par une version inédite et dramatique du thème sentimental qui anime les retrouvailles entre Gwen et son père. Protecteur, le capitaine Stacy se charge de récupérer l'antidote qu'elle voulait apporter en mains propres à Peter. L’accent tragique des cordes laisse déjà entrevoir qu’elle voit son père pour la dernière fois.
 
Oscorp Tower
«J'aime la clarté, qui plus est dans la violence symphonique »2 affirme James Horner. Dans ce final dantesque, véritable parcours de montagnes russes, le compositeur nous offre un condensé des crescendos qu'il affectionne en les enchaînant à grande vitesse, tout en soutenant les images de façon très précise, ce qu’il avait déjà réalisé, par exemple, dans le final de « Leave No Witness… » (Le Masque De Zorro).
Le combat fait rage au sommet de la tour entre Spider-Man et le Lézard, et la musique reflète magistralement ce combat de mutants. Quand le reptile prend l'avantage lors du premier crescendo (1'00), il profère alors ces paroles lourdes de sens : « Pauvre Peter Parker, plus de mère, plus de père, plus d'oncle. Tout seul ». Quinze secondes synthétiques et froides, comme le compositeur sait aussi les confectionner. En musique comme ailleurs, l’émotion sait aussi naître du décalage et du contrepoint.
« Il n'est pas tout seul ! » s'exclame alors le Capitaine Stacy venu apporter l'antidote et son aide (1'14). La dynamique est relancée, les trompettes acclament ce soutien bienvenu. Tandis que le policier ralentit les actions du monstre, Peter peut effectuer juste à temps l'échange entre la bio-toxine et l'antidote (1'50) sur un nouveau crescendo lancé par les mêmes contrebasses et trompettes qui concluaient l'astronomique Your Best Hope (Deep Impact).
La propagation du gaz réalisée, le Lézard et les personnes contaminées redeviennent humaines. Les chœurs expriment l'évanouissement du mal, né de la chimie reptilienne, situation que le compositeur a plusieurs fois croisée au cours de sa conséquente filmographie avec par exemple la disparition de Bavmorda à la fin de Willow.
Finalement, la pointe de la tour où se trouve encore Spider-Man ne supporte plus le déchaînement destructeur causé par l’affrontement des protagonistes et elle bascule, poussée par une dernière accélération de l'orchestre.
 
Épilogue.
 
Au début de "I Can't See You Anymore", le long et langoureux mouvement de cordes interprétant le thème sentimental exprime les derniers instants de vie du Capitaine Stacy, mortellement blessé par le Lézard. Il demande à Peter de lui promettre qu'il tiendra Gwen éloignée des dangers auxquels il est destiné. Georges rend son dernier souffle (2'06) sur un soupir respectueux des violons. En véritable peintre des sentiments, James Horner trouve encore une nouvelle façon de mettre en musique la lente agonie d'un personnage après celle d'Ali dans Or Noir (One Brother Lives. One Brother Dies). Une fois encore, Peter Parker vient de perdre un père, dans un hurlement de désespoir pudiquement couvert par la musique.
Le piano apaisant amène le calme dans la ville et la résolution du conflit, tandis que le Docteur Curt Connors, ramené à la raison par l’antidote, est mis hors d’état de nuire et envoyé en prison.
Peter rentre à son domicile (3’52) et livre à sa tante les œufs qu'elle lui avait demandés au moment de Becoming Spider-Man, juste avant qu'une dispute ne vienne entacher leur relation. Le piano, encore et toujours, dépeint à merveille la réconciliation touchante avec tante May.
Après l'enterrement de son père, Gwen rend visite à Peter pour tenter de comprendre son absence à la cérémonie. La séparation du couple déclenchée par Peter (5’40) et forcée par sa promesse faite au capitaine Stacy nous offre une interprétation grave et poignante du thème sentimental joué au piano.
 
Enfin, Promises / Spiderman End Titles s'ouvre sur un long et magnifique solo de clarinette, compagnon de route de Peter lorsqu'il écoute le dernier message vocal réconfortant de son oncle, laissé juste avant sa mort. Le piano, épaulé par les violons, fait ses adieux en évoquant la distance imposée qui sépare les deux amoureux dans le couloir du lycée. Affectée par cette promesse qu'elle trouve injuste, Gwen attend un signe positif… qui viendra un peu plus tard.
Le film se conclut sur une séquence de voltige de Spider-Man au dessus de New York. Le thème principal jouissif prend ses aises et s'étend triomphalement tel un hymne à la gloire du tisseur de toile.
Puis le générique s'enclenche sur une simple reprise de la version tragique du thème sentimental entendue à la fin de Saving New York et laisse malheureusement peu de place à James Horner pour exprimer davantage sa fibre épico-émotionnelle du fait de l'apparition d'une scène présentant l'ennemi d'une suite probable, nous privant ainsi d’un générique de fin tel qu’il sait les soigner. Comme c’était déjà le cas dans Avatar, le compositeur ne prend plus la peine de combler cette lacune en prolongeant sur l’album cet épilogue juste et brillant, mais un brin frustrant.
 
Notes conclusives.
 
Après la parenthèse For Greater Glory – Or Noir, musiques écrites pour des films racontant le passé avec des techniques d'antan, The Amazing Spider-Man s'inscrit dans la lignée d'Avatar et de Karaté Kid, films et partitions à la modernité éclatante. En 2009, Avatar a tracé une nouvelle droite dans la géométrie hornerienne. The Amazing Spider-Man en représente une tangente, grâce à l'association réussie de l'orchestre, des voix et de l’électronique. La direction prise par ces trois musiques est identique : proposer une partition ludique et moderne à travers la symbiose d'éléments musicaux variés, synonyme d'une maîtrise et d'une connaissance approfondie de leurs capacités dramaturgiques et cinématographiques.
Concernant la place de l’électronique, il faut noter ceci : en 2004, pour la partition Sans Frontières (Beyond Borders) Jean-Christophe Arlon avait écrit au sujet d'un morceau (Cambodia II) où les éléments électroniques étaient majoritaires : « James Horner nous prépare sans doute à travers ces dix minutes de pulsations atmosphériques à un nouveau cycle de recherche, un terrain expérimental ouvert à toutes les perspectives.»3. Nous pensons qu'Avatar est également initiateur d'un cycle et que Karaté Kid et The Amazing Spider-Man le prolongent. Certes, l'arrivée de l'arrangeur Simon Franglen n'est pas anodine car il a apporté avec lui un renouvellement certain de la banque de couleurs synthétiques, mais Ian Underwood, fidèle collaborateur depuis Wolfen, veille au grain. N’oublions pas non plus l'écriture orchestrale de James Horner reste assez solide et personnelle pour ne pas être dénaturée par cette recrudescence de sonorités électroniques. Il s’agit donc d’une évolution dans l'air du temps, sans doute, imposée par les studios, peut-être, mais une évolution intégrée de façon cohérente au regard de l’œuvre du compositeur. Ceci étant dit, chacun est à même de déterminer selon ses propres critères et sa propre sensibilité musicale si cette évolution est positive ou non. Gardons toutefois en tête, comme nous le disions en début d'analyse, que les synthétiseurs ont toujours fait partie intégrante de sa musique et qu’ils ne sauraient en rien être jugés à l’aune d’un quelconque sacrifice créatif.
Avec ce nouveau long métrage, Spider-Man a donc sauvé une fois encore New York en tissant des toiles entre les gratte-ciels. Le compositeur a quant à lui ajouté un nouvel astre lumineux et éclatant à son œuvre foisonnante.
James Horner est bien le tisseur d'étoiles.
 

Bibliographie :
1 Deux Hommes D'Exception. Par Jean-Christophe Arlon, Dreams Magazine, 2001
2 James Horner, messager du vent. Par Jean-Christophe Arlon et Didier Leprêtre, Dreams Magazine 2002.
3 JH et des poussières : les traîtres n'ont pas de maître. Par Jean-Christophe Arlon, Cinéfonia, 2004

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