WOLF TOTEM : JAMES ET LE LOUP

Tout au long de sa carrière, soit plus de 130 musiques de film, James Horner a déjà croisé le chemin du loup, mammifère fascinant, source d’innombrables contes, rumeurs et légendes.
 
La première rencontre remonte à 1981 pour Wolfen, thriller horrifique de Michael Wadleigh (Woodstock) où des indiens métamorphosés en loups semaient la terreur dans les rues de New York. Des cuivres angoissants incarnaient alors le côté sombre de cet animal aux crocs acérés, menaces perpétuelles pour les chairs tendres et innocentes.
Une noirceur musicale reprise quelques années plus tard dans Aliens (1986) pour appuyer l'ambiance suffocante mis en place par James Cameron et illustrer la tension suscitée par cette peur profonde et persistante de voir surgir les xénomorphes au détour d'un couloir. Très tôt le compositeur a intégré dans son discours les expérimentations bruitistes de Krzystof Penderecki, dont notamment ce son vrombissant des trombones, parfaite expression musicale du cauchemar, qu'il réutilise logiquement pour Wolf Totem (2015), dans l'ouverture de Scaling The Wall lorsque une meute de loups s'apprête à attaquer un troupeau de moutons.
Suivant le même schéma expressif, la tempête de neige répartie sur l'album en deux morceaux (Wolves Attack The Horses / The Frozen Lake) est une nouvelle occasion pour le compositeur de rendre palpable par des soubresauts de cymbales, trompettes, trombones, l'effroi provoqué par les apparitions féroces de créatures affamées surgissant de l'obscurité. A l'écran, la musique se révèle ainsi être en parfaite adéquation avec ces représentations de la sauvagerie animale voulues par Jean-Jacques Annaud, où le loup est montré sous son aspect le plus terrifiant.
 
Contrairement aux créatures de Wolfen, le loup de The Journey Of Natty Gann (1985), compagnon de route de l'héroïne du film et interprété par Jed, chien-loup qui deviendra quelques années plus tard Croc-Blanc, renvoie une image tout autre de l'animal, une représentation proche du mythe du loup de James Olivier Curwood ou de Jack London. Dans cette production Walt Disney, au grès des péripéties et des kilomètres parcourus ensemble, un véritable lien affectif réciproque se développe entre la jeune fille et le mammifère carnassier. Une vision idyllique quasi-absente de Wolf Totem où l'amitié entre Chen Zhen et « Petit Loup » semble au contraire unilatérale, leur rapprochement étant uniquement lié à l'attachement du jeune chinois.
 
 
En effet, les seuls moments de complicité et de tendresse se déroulent lors des premières scènes avec le louveteau car celui-ci n'a pas encore conscience de sa place dans ce monde. En grandissant, « Petit Loup » est affublé continuellement d'une chaine ou d'une cage restreignant la filiation avec le film de Jeremy Kagan. Cela n'empêche pas James Horner, peintre des sentiments, d'exprimer par des couleurs débordantes de douceur (Chen Saves the Last Wolf Pup / Little Wolf ), la compassion de Chen Zhen envers son petit protégé, et d'utiliser comme lors des adieux dans Journey Of Natty Gann (Farewell), la chaleur du cor pour annoncer l'emphase orchestrale accompagnant leur dernier échange de regard (Return to the Wild).
 
Enfin, l'extermination de la meute, point culminant de la dramaturgie de Wolf Totem est l'occasion pour la caméra de Jean-Jacques Annaud et la musique de James Horner de se placer à la hauteur des loups. L'homme devient alors un prédateur terrifiant et insensible, tellement avide de pouvoir que ses actes en deviennent absurdes. Point de vue anticipé par le compositeur dans les deuxièmes parties de Little Wolf et Scaling the Walls, où il opte pour une mélodie légère et guillerette afin de rendre futiles et ridicules les bousculades d'enfants et surtout d'adultes qui tentent de s'approprier « Petit loup ».
Une mise à distance de l'humain rappelant le film d'animation Balto (1995) où les héros étaient des chiens de traineaux, où un chien-loup (dans la réalité un husky sibérien pur race) découvrait au fond de lui-même le courage nécessaire pour sauver des vies humaines. Ainsi les braves de Wolf Totem sont ces loups qui préfèrent choisir leur mort plutôt que de périr sous les balles humaines (Suicide Pact). Le héros de Wolf Totem est ce chef de meute qui court désespérément sur plus de quarante kilomètres et jusqu'à l'épuisement pour échapper à des chasseurs motorisés (Hunting the Wolves). Les adagios du compositeur s’appliquent à magnifier ces drames animaliers, en rendant hommage à ces victimes de la folie destructrice de l'homme.
 
Wolf Totem réunit donc toutes les facettes musicales du loup déjà construites par James Horner au cours de sa filmographie. Les hommes et les loups présentés visuellement, musicalement et à tour de rôles comme prédateurs et proies, semblent appartenir à une seule et même espèce : des habitants de la planète Terre dont l’existence mutuelle dépend d'un équilibre à conserver, d'un fragile écosystème à respecter. Humains et animaux sur un pied d'égalité. Une représentation déjà présente dans l'introduction de Enemy At The Gates (2001) où la mise en scène et la musique mettaient en parallèle le loup et le sniper pour évoquer leur maitrise commune de l'art de la patience et de l’immobilisme.
 
Crédits photo:
Wolf Totem : © China Film Group Corporation – Edko Films – Reperage
Wolfen : © Warner Bros

Journey Of Natty Gann : © Walt Disney Pictures
Balto : © Amblin Entertainment – Amblimation – Universal Pictures

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