« J'ai été élevé au sein d'une famille très mélomane. Mon père aimait beaucoup la musique. (…) A neuf ou dix ans, j'ai décidé que je voulais réellement composer de la musique. (…) Et c'était écrire du classique. »1
« Quand le marqueur de score céleste arrive à votre nom il n'écrit pas que vous ayez perdu ou gagné mais il note comment vous avez joué. » O.B. Keeler (Bobby Jones: Stroke of Genius)
[divider]Projections optimistes[/divider]
Pour célébrer l'anniversaire de James Horner, nous avons tenu à ouvrir nos colonnes et donner la parole à nos visiteurs. Vous trouverez d'autres témoignages dans la version anglaise de cet article.
David Hocquet
La musique de James Horner a été un véritable choc pendant mon adolescence. Tout a commencé a 15 ans. La découverte des partitions de Willow, The Land Before Time ont changé ma vie de mélomane. Mon admiration pour John Williams et Jerry Goldsmith est sans borne, mais le choc émotionnel, c’est James Horner. Son sens aigu de la mélodie, ses harmonies et ses couleurs instrumentales furent les plus bouleversantes. Voilà donc un compositeur qui a tourné le dos à l’institution pour laisser libre court à ses propres émotions de compositeur, libérées par le cinéma, en ne se souciant plus des dogmes esthétiques du milieu académique et en composant dans un style immédiatement reconnaissable.
La partition majeure, la quintessence de la beauté musicale reste pour moi Brainstorm, une partition courte mais qui incarne tout un monde musical, brassant les époques avec virtuosité, tout en épousant les besoins du film, de Palestrina à Schubert à Mahler à Ligeti. Détachée du film de Douglas Trumbull, la musique reste une œuvre musicale passionnante. Le superbe réenregistrement édité par Varese Sarabande est le pivot de la carrière du compositeur américain. Krull serait son équivalent épique.
J’admire chez James Horner les grandes partitions épiques justement, la grande aventure ou sa façon de magnifier les rêves d’enfants (Krull, Journey Of Natty Gann, An American Tail, The Land Before Time, Willow, We’re Back, Once Upon A Forest, Legends Of The Fall, Balto, The Perfect Storm) le mélange de grandeur tragique et d’intimité bouleversante (Glory, Braveheart, Enemy At The Gates, The New World), les films plus intimes qu’il a totalement transcendés (Testament, The Stone Boy, Field Of Dreams, In Country et son final magnifique, Bobby Fisher, The Spitfire Grill, Iris), son approche de l’électronique (Where The River Runs Black, l’unique et incroyable The Name Of The Rose, Thunderhart, Patriot Games, Bopha!, Beyond Borders, Apocalypto), son approche excitante de l’action (48 Hours, Gorky Park, Commando, Clear And Present Danger), ses approches modernistes (Wolfen, Aliens), son goût pour le folklore (Devil’s Own).
Sa collaboration avec Phil Alden Robinson, une parmi d’autres, est à mettre à part, car elle lui a inspiré des partitions superbement émouvantes (Field Of Dreams) et originales (Sneakers mais plus encore Freedom Song).
On peut être épaté, dans cette fructueuse carrière, par sa facilité d’écriture et sa technique. Il a été capable de composer des partitions passionnantes, que je peux écouter en boucle, dans des temps extrêmement courts, Krull fut un travail titanesque qui l’a rendu malade, Rocketeer est une des partitions les plus appréciées et incarne sa passion pour l’aviation (superbe compagnon de sa partition hors cinéma pour les Horsemen !), Patriot Games et Clear And Present Danger furent composées en deux semaines et sont d’une incroyable intensité, Troy fut un accomplissement technique incroyable et c’est le genre de partition dont je ne me lasserai jamais, quel que soit les influences évidentes, et quelle que soit la prédominance du « ta na na na » (qui, quand on a connu Willow a 15 ans vous marque a vie !)
La question des citations, de l’inclusion de passages classiques, s’inscrit totalement dans la lignée de la Musique classique, de plus ils fusionnent parfaitement avec le discours musical, tant du point de vue émotionnel que musical.
Apres le succès fulgurant de Titanic (dont il a tiré de très belles suites pour orchestre et chœur, supérieures à l’écoute à l’album d’origine), James Horner a pu acquérir ce luxe de pouvoir choisir ses projets. Il peut encore surprendre et émouvoir, avec Avatar, The Karate Kid, The Amazing Spider-Man, Black Gold. Malgré la domination dans le cinéma hollywoodien actuel des partitions sans thème, basées sur les textures préfabriquées des synthétiseurs et des échantillonneurs, d’une grande faiblesse d’écriture et d’inspiration, il est encore le représentant d’une école d’essence classique, toujours curieux d’enrichir sa palette avec l’électronique ou la richesse des musiques populaires, partant d’une solide structure harmonique et thématique. La profondeur émotionnelle de ses compositions et la variété de ses couleurs instrumentales enrichissent encore chaque film.
On n’oublie pas ses premiers amours musicaux, encore moins les coups de foudre ! Depuis 25 ans, la musique de James Horner est inscrite à jamais dans mon cœur. Puisse-t-elle encore irriguer ma vie, elle sera a jamais plus belle.
Etienne Walter
La musique de James Horner est pour moi synonyme de subtilité, de finesse et de pertinence. Outre sa maîtrise des orchestrations et de la direction d'orchestre, outre sa technique et son écriture qui font de lui l'un des plus grands symphonistes, ce qui m'épate le plus dans son discours musical, c'est toute la complexité et l'intelligence de sa narration. Car il raconte l'histoire en musique. Sans jamais faire de mickey mousing, il décrit les scènes dans le moindre petit détail et anticipe les situations en introduisant musicalement la scène suivante à la fin d'une scène, ce qui apporte beaucoup de fluidité et de cohérence à la narration. Il se nourrit toujours de la psychologie des personnages et prend le temps d'aller au fond de celle-ci, même lorsque les délais sont très courts. Toutes ces caractéristiques rendent sa musique unique. En bref, elle est le compagnon idéal des images.