Absorbé par la nouvelle orientation prise par la carrière de James Horner c'est à dire la composition d’œuvres de concert et la préparation d'un événement titanesque qui se déroulera à Londres en avril 2015, nous avions presque oublié de nous tourner vers les salles obscures, lieux où a pourtant résonné pendant trois décennies les notes géniales du compositeur. Or c'était risquer de passer à côté d'un événement inattendu : en effet For Greater Glory renommé Cristeros, un combat pour la liberté pour l'occasion, est finalement projeté depuis le 14 mai dernier sur les écrans français grâce à la société Saje qui réalise ici son baptême du feu en tant que distributeur.
La sortie du long-métrage de Dean Wright marque ainsi la fin d'un véritable chemin de croix pour trouver un distributeur puisque sa thématique entre plaidoyer pour la liberté ou prosélytisme chrétien, et ses qualités cinématographiques globalement peu reconnues, l'avaient lourdement handicapé depuis deux ans pour être diffusé à l'international et plus particulièrement dans l'hexagone.
Peu importe les polémiques liées aux causes présumées de son absence des écrans pendant deux ans. Peu importe si le film n'a pas l'allure d'un blockbuster. Peu importe les libertés prises sur l'Histoire. Ce qui compte pour nous c'est la musique de James Horner et sa signification.
Une musique que nous avions déjà largement évoquée en 2011 lors des sessions d'enregistrement à Abbey Road, et il y a un an et demi à travers trois publications :
- La chanteuse Clara Sanabras qui illumine la partition de sa superbe voix nous avez raconté dans un entretien exclusif sa rencontre avec le compositeur et la création de la bande-originale : For Greater Clara.
- Nous avions également décrit les trois thèmes principaux de la partition et l'impact de cette dernière sur le film. C'était à l'occasion de la sortie américaine du film en format Dvd et Blu-ray : For Greater Glory, la gloire importe peu.
- Enfin lors de l'édition discographique de la musique par Varèse Sarabande nous nous étions penchés sur le parcours singulier du film puis nous avions tenté de souligner les immenses qualités de la partition : For Greater Glory, le faiseur de miracles.
Dans ce dernier article nous avions relevé les similitudes avec Mission (1986) du légendaire Ennio Morricone. Au delà du fait que ces deux films évoquent le christianisme, les deux compositeurs avaient par ailleurs le même âge lors de l'écriture et ont choisi le même chœur (London Voices) et le même flûtiste (Tony Hinnigan) pour interpréter leur musique. Hasard, message divin ou pure coïncidence ? Une seule certitude : ces deux partitions ont le pouvoir d'élever spirituellement l'auditeur.
Si nous faisons abstraction du contexte religieux et historique, le cœur de l'histoire de Cristeros peut se résumer à une lutte pour la liberté par des personnages en plein éveil spirituel. James Horner l'a bien compris et nous livre des thèmes splendides qui nous emportent à la fois loin vers les cieux et au plus près de notre âme.
La transformation intérieure est incarnée par le thème ascensionnel, l'un des plus vibrants du compositeur. Les trois phrases qui le composent nous emportent par étapes toujours plus haut, toujours plus loin. Notre état de conscience en ressort transcendé, le temps semble figé et les idées qui traversent notre esprit deviennent limpides. Cette sensation était déjà présente dans Les Chroniques De Spiderwick, tellement James Horner s'appliquait à utiliser les prémices du thème de For Greater Glory pour sublimer l'envol céleste des personnages dans un monde où le temps n'a pas d'emprise, et à le déployer sur plusieurs minutes lors du générique de fin. Puis dans Write Your Soul renommé sombrement Flight pour sa première mondiale à Los Angeles, ce thème accompagnait la quiétude des cieux et de notre esprit après plusieurs minutes d'ascension et de voltige. Dans For Greater Glory, le thème atteint donc une certaine maturité. Fortifié par ces deux essais précédents, il nous transperce par sa puissance émotionnelle. A travers ce thème James Horner entre en symbiose avec l'éveil spirituel des personnages et délivre une idée forte : la richesse n'est pas dans les apparences, dans les biens matériels ou dans une croissance financière utopique construite envers les libertés de chacun mais bien dans l'épanouissement de l'esprit. Vivre c'est saisir spirituellement la nature et les âmes qui nous entourent. Pour certains c'est croire en l'existence d'un Dieu mais au final c'est surtout croire en soi, atteindre une authenticité de l'esprit. Le jeune José (Mauricio Kuri) défendra au prix de sa vie ce que lui dicte son cœur. Il préférera la mort plutôt que de se mentir à lui-même. Le poème Entre El Luz Y El Pecado incarne cette foi qui l'anime. Le général Enrique Gorostieta Velarde (Andy Garcia) peu croyant prendra peu à peu conscience que sa vocation de meneur d'armée n'a de sens que s'il s'ouvre aux hommes qui la composent et à leur cause.
Les Cristeros ne symbolisent donc pas seulement la lutte pour regagner la liberté de prier Dieu mais surtout le combat pour que chacun puisse rester libre de suivre son cœur, son intuition et s'épanouir. James Horner au travers de sa magistrale musique ne pouvait rendre plus bel hommage aux hommes qui au travers de l'histoire ont donné leur vie pour ce digne combat.
Les sept premières minutes du film sont visibles ici :
Image credit: © NewLands Films / Dos Corazones Films / Saje