FOND MEMORIES – EPISODE 1 : 1953-1978 – UNE EDUCATION MUSICALE

Premier épisode d'une longue série, Fond Memories a comme objectif de retracer la vie professionnelle du compositeur James Horner de la façon la plus exhaustive possible. Si vous avez des informations qui peuvent compléter cet épisode, merci de nous contacter.
[divider]1953-1978 – A MUSICAL EDUCATION[/divider]
Harry Horner
Harry Horner
James Roy Horner voit le jour à Los Angeles, le 14 août 1953, l'année de la disparition de Sergueï Prokofiev. Comme un clin d'oeil à l'auteur de Roméo & Juliette qui sera l'un de ses pères musicaux. Il est le fils ainé de Harry Horner (24 juillet 1910 – 5 décembre 1994), directeur artistique autrichien né à Holitz (dans l'actuelle République Tchèque), qui émigra aux États-Unis avec Max Reinhardt au milieu des années 30 et connut une belle carrière à Hollywood (2 Oscars pour 5 nominations).
 
Christopher Horner
Christopher Horner
James Horner est né du deuxième mariage de son père en 1952 avec Joan Ruth Fraenkel. Deux autres garçons le suivront, Christopher et Antony. Le premier, Christopher Horner, diplômé en conception architecturale, travaille également dans le monde du cinéma et de la télévision en portant successivement depuis 20 ans les casquettes d'assistant décorateur (sur Le chanteur de jazz en 1980 aux côtés de son père), de directeur artistique (Les dents de la mer 3), de scénariste (le téléfilm Jeux mortels en 1994) et maintenant de réalisateur engagé dans la cause environnementale à travers, notamment, la direction du documentaire français Nuages au paradis (2004) avec Lambert Wilson.

Son père étant très mélomane, James Horner grandit entouré de musique classique, et se retrouve devant un piano à l'âge de 5 ans. C'est vers l'âge de 10-11 ans qu'il décide de devenir compositeur.

« Je me souviens distinctement quand ce moment est arrivé: j'ai écouté, à l'école (ndlr : probablement la Holland Park School de London), le 2ème mouvement de la 7ème symphonie de Beethoven. Je connaissais déjà cette pièce, mais pour je ne sais quelle raison elle m'a particulièrement frappé et étourdi ce jour-là. Quand je suis rentré chez moi je l'ai écouté à nouveau, peut-être 20 fois, et c'est ce jour là où j'ai décidé que je voulais composer. » 1

Toujours encouragé par son père, il entre au prestigieux Royal College of Music de Londres.
« Mes capacités musicales ont poussé mon père à m'inscrire en premier cycle au Royal College of Music de Londres, où nous vivions alors. J'étais très intimidé à l'idée d'entrer dans cette honorable institution. Quand j'ai vu sur la brochure le nom des anciens élèves (Benjamin Britten, Colin Davis, Gustav Holst, John Ireland), je me suis demandé si j'avais la capacité de suivre de telles études. Mais l'environnement chaleureux et créatif a vaincu mes appréhensions. Je me suis totalement épanoui et j’ai découvert un goût pour la composition et la direction d'orchestre. » 2
Toutefois, le jeune James semble se désintéresser des prescriptions musicales de l'époque.

« Je suis allé au Royal College of Music où j'ai travaillé sur ce que tout le monde étudiait : Bach… Mais dans ma tête j'étais complètement ailleurs, j'écrivais des requiems de messes et je réfléchissais à des arias, à d'autres mondes musicaux. J'ai quitté cette école après ma deuxième année » 3

Il se rend alors à la Hochschule für Musik de Hambourg où il aura comme professeur le célèbre compositeur hongrois Gyorgy Ligeti, dont la musique à l'époque est utilisée dans le film de Stanley Kubrick, 2001 l'odyssée de l'espace (1968). Trois extraits de son oeuvre visionnaire parsèment l'espace métaphysique du réalisateur américain: le Requiem pour soprano, mezzo-soprano, deux choeurs mixtes et orchestre (qui fait office de thème pour le monolithe, dont on percevra notamment l'influence dans le conclusion de Death of Titanic (Titanic, 1997), James Horner renouvelant cette approche sans concessions de la mort, pleine de fureur et de terreur), Lux Aeterna et Atmosphères (qui accompagne Dave Bowman au cours de son voyage dans une autre perception de la réalité). Pas de hasard dans cette rencontre essentielle dans l'itinéraire du jeune James.

« J'ai pris des congés et je suis allé à Hambourg pour étudier avec György Ligeti. Nous n'étudiions pas tellement sa musique, mais plutôt la musique de la Renaissance (ndlr : Thomas Tallis) qui était une de nos passions communes. Lux Aeterna, son requiem ou d'autres pièces de Ligeti sont mises ensemble d'une manière que j'admire beaucoup, d'une manière très traditionnelle qui finit par sonner très atonal. Lorsque nous avons entendu Lux Aeterna et les autres morceaux dans 2001, ils étaient considérés comme de l'avant-garde, mais ils ont été assemblés comme des pièces de la Renaissance et la sonorité de Ligeti était très similaire. J'étais intrigué par cela et c'est pour cela que j'ai étudié avec lui. J'étais aussi très intéressé par l'étude de Benjamin Britten, Prokofiev, de toutes ces choses étranges qui me plaisaient mais qui ne correspondaient pas à la substance enseignée au collège. » 3
Ce détour en Allemagne avait pour but d'assouvir ses intérêts musicaux et de parfaire dans le même temps son apprentissage.
Finalement, James Horner grandit en Europe, passant ses plus jeunes années à Londres. Il se considérait d'ailleurs comme « à moitié anglais ».
A noter que lors de sa jeunesse, James Horner a joué du cor dans un orchestre, instrument noble et prédominant dans son œuvre future. 
Les années 70 voient le retour de James Horner de l'autre côté de l'Atlantique pour achever sa scolarité.
« Je suis retourné en Californie pour obtenir un poste de professeur et obtenir mon doctorat. » 4
« Je me disais que si j'arrivais à décrocher un poste dans l'enseignement aux Etats-Unis, on m’accorderait plus facilement des bourses, des subventions et des fonds pour faire jouer mes œuvres. » 5
« Et bien qu'ayant grandi en Angleterre, j'ai eu l'impression qu'il était plus pragmatique d'obtenir un diplôme américain; les choses étaient mornes du point de vue académique au Royaume-Uni, et donc j'ai obtenu un diplôme américain d'études supérieures. » 6
En 1971, il fréquente la Verde Valley High School (Sedona, Arizona), école qui récompensera, beaucoup plus tard en 2008, son frère Christopher, également ancien élève, pour le documentaire Nuages et paradis (2004).
 
 
En 1974, James Horner obtient son diplôme de musique à l'USC Thornton School of Music. L’accomplissement de ce niveau d’étude fut un récital, qu'il donna en décembre 1973.
 
recital
Couverture du programme pour le récital donné par James Horner en 1973
 

Finalement, il termine son cursus universitaire à Los Angeles, à la fameuse UCLA (University of California at Los Angeles), où il étudie entre autres avec Paul Chihara, compositeur de nombreuses oeuvres de concerts et de 90 musiques pour la télévision.
Joe Gore, un compositeur, producteur et multi-instrumentaliste avait 16 ans en 1975 lorsqu'il étudiait à l'UCLA. Son témoignage illustre à nouveau la singularité de James Horner qui se détournait des conventions de l'époque :
« J'ai fréquenté l'école pendant le dernier souffle du modernisme. L'accent était placé sur l’avant-garde de la musique du 20e siècle, de Arnold Schoenberg à ces chefs de file comme Luciano Berio, Ligeti, et Witold Lutoslawski. La musique post-romantique était considérée comme désespérément ringarde. Nul n'étudiait Richard Strauss. Pourtant je me souviens de Jamie se promenant avec la Symphonie alpestre de Strauss sous son bras. Il était plus intelligent que tout le monde. » 7
 
En 1976, James Horner obtient le « Master’s Degree » (équivalent de la maîtrise française) en théorie et composition musicale. C'est le résultat de toutes ces années passées à fréquenter des conservatoires et à étudier la musique. Aboutissement qui se traduira par la création d'une pièce de musique de chambre intitulée Conversations, écrite pour un ensemble de 16 musiciens dont 2 sopranos, et basée sur un texte du poète russe Andrei Vosnesenskii.
 
Engagé comme enseignant de la théorie et de la composition musicale à l'université de Los Angeles, il entame alors un travail de doctorant.
Pourtant il va vite ressentir une lassitude vis à vis de ce milieu et des difficultés rencontrées à faire jouer ses œuvres.
Avec Conversations (1976), une autre œuvre de concert est officiellement connue. Il s'agit de Spectral Shimmers. C'est une composition de 1978, dite d'avant-garde, sur laquelle Horner a beaucoup travaillé et qui n'a été jouée qu'une seule et unique fois par l'Indianapolis Symphony Orchestra, le 25 janvier 1979, dans une salle à moitié pleine.
« J'ai travaillé très dur sur ce morceau, à le diffuser, à l'envoyer à toutes sortes de personnes, à trouver un orchestre pour le jouer, un endroit pour l'exécuter. Je suis allé à Indianapolis où il fut difficile d'obtenir un temps de répétition. Après tout ce travail accompli pour un soir, on se dit à soi-même : « Et maintenant? ». Ce morceau m'a donné un tel sentiment d'avoir eu un impact uniquement sur les quatre cents personnes présentes dans le public. Certes il a été très bien reçu, mais il n'a pas eu d'impact – je ne pouvais pas obtenir une autre performance. Il était trop cher parce qu'il exigeait un grand orchestre, et de plus c'était un morceau moderne et il y avait beaucoup de choses qui allaient contre l'écriture des pièces modernes. » 8

C'est en fait Spectral Shimmers qui va le pousser à abandonner le milieu universitaire, de la musique contemporaine et provoquer un virage décisif pour la carrière du jeune artiste.
« La salle presque vide ébranla ma foi dans la musique contemporaine et son impact sur le public. C'est alors qu'on vient me demander d'écrire la musique d'un film d'étudiant. » 2


Article de Jean-Baptiste Martin and David Hocquet
Traduction par Kjell Neckebroeck
Remerciements à Jean-Christophe Arlon et Nick Martin
 
Sources :
Titanic Live – Souvenir Programme – Pierre O'Reilly – Avex Classics International Production, page 48

Crédits photo :
Harry Horner : © McCarthy, Todd; Charles Flynn – Kings of the Bs (1975)
James Horner – 1971 : © Richie Greenberg – Alumni James Horner Memorial – Verde Valley High School
Couverture du récital : © USC Thornton School of Music
 

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