THE 33, L’HYMNE À LA JOIE DE JAMES HORNER

Imaginez que ce tragique 22 juin 2015 n'ait jamais existé. Est-ce que l'accueil de Southpaw et The 33 aurait été différent ?
Southpaw traite de la reconstruction de soi suite à un deuil. Même si au cours de sa filmographie, James Horner a fréquemment croisé la thématique de la mort, elle était généralement traitée en quelques scènes où le compositeur se devait d'aller à l'essentiel. Un exemple récent pourrait être la minute entre 2:30 et 3:40 du morceau Ben’s Death dans The Amazing Spider-Man (2012), qui accompagne le deuil de Peter Parker suite à la disparition de son oncle. Pour que cette thématique embrasse le film en entier il faut plutôt se tourner vers des projets assez rares finalement, comme The Stone Boy (1984), House of Cards (1991), To Gillian (1996) et donc Southpaw (2015), où à chaque fois James Horner a composé une musique sensible qui explore les tréfonds de l'esprit.
Le personnage de Southpaw, interprété par Jake Gyllenhaal, s'égare suite au décès de sa femme. Les riffs de guitare expriment les tiraillements de son âme meurtrie en pleine reconstruction voyageant entre la colère, l'incompréhension, et le désespoir. A travers plusieurs morceaux dont notamment Dream Crusher, son entraineur Tick (Forest Whitaker) déclenchera sa renaissance à travers ses réflexions sur le sens d'un événement tragique, sur la trajectoire prise par notre monde, et notre impuissance face au bras aveugle et destructeur du destin. Le fait que cette musique arrive quelques jours après la disparition de James Horner lui confère un caractère insaisissable et impénétrable, tellement elle répondait et répond toujours aux sentiments de perte et d'incompréhension qui nous traversent depuis un an. Nous avions besoin et nous aurons toujours besoin d'écouter Dream Crusher.
Finalement, depuis ce 22 juin 2015, l'écoute de la musique de James Horner est différente. Elle s'accompagne d'une pensée pour le Maestro, comme à chaque fois que nous entendons ou voyons voler un avion dans le ciel.
 
Et concernant The 33 ?
Un peu à l'image de For Greater Glory (2012), le film n'a pas eu de distribution internationale importante, élément qui pouvait nous faire douter sur sa qualité. Pourquoi James Horner avait-il alors choisi ce projet ? La réalisatrice Patricia Riggen l'explique ainsi :
« Il voulait juste s'occuper de films auxquels il tenait, et il voulait faire The 33 parce que le film l'avait profondément ému, comme il me l'a raconté. J'ai découvert que c'était vrai quand nous étions assis ensemble chaque jour dans le studio d'enregistrement, je le voyais pleurer lorsque l'on en arrivait à certaines scènes du film. Quelque chose l'émouvait vraiment. »
source: scpr.org
 
James Horner et Patricia Riggen durant l'enregistrement de The 33 – Octobre 2014
 
A la vision du film il est facile de comprendre pourquoi James Horner a été touché par cette histoire. En effet deux scènes sont particulièrement fortes en émotions: l'annonce que les mineurs sont encore en vie (We Are All Well in the Refuge, The 33) et leur retour à la surface (Celebrations). Ces deux moments sont deux très belles expressions de la joie humaine. D'autres scènes comme l'arrivée des foreuses, la création du camp de l'espoir véhiculent aussi à un degré moindre ce sentiment. Cette partition composée avant Southpaw est arrivé à nos oreilles six mois après la disparition du compositeur. Par conséquent à cette époque, lors des premières écoutes, malgré le séduisant et morriconien Celebrations qui impose sa beauté dès la première écoute, le vibrant et doux Hope is Love qui ressemble à un adieu de James Horner, il fut difficile de s'investir totalement dans cette partition et de ressentir toutes les émotions notamment de joie qu'elle véhicule.
 
Puis au fil du temps l'allégresse essentiellement véhiculée par le thème principal de The 33 s'est imposée et ne disparaît pas. Malgré une impression de répétitivité de sa syntaxe, ce thème n'est jamais interprétée deux fois de la même façon grâce au talent incroyable de Tony Hinnigan et au génie de James Horner. Une écoute attentive révèle des variations de timbres, notes, rythmes à chaque phrase musicale qui font ainsi disparaître toutes redondances.
A l'image du film qui alterne entre scènes à 700 mètres sous terre et sous le soleil éclatant du Chili, entre scènes de désespoir et scènes de joie, la musique de James Horner pour The 33 oscille entre obscurité et lumière, un peu comme la vie qui nous réserve à chacun des hauts et des bas. Cette vie qui nous sépare, nous réconcilie, qui nous transporte lorsque nous nous dressons, dans laquelle nous nous réalisons, qui nous relie les uns aux autres, et nous apporte finalement de la joie.
 
Au fil des écoutes d'autres éléments mettant en valeur la vie humaine se détachent :
Aiming To Miss subtile mélange de piano, harpe, synthétiseur, guitare et cordes qui accompagne l'idée lumineuse des ingénieurs d'apprendre de leurs erreurs pour trouver la bonne direction qui va leur permettre d'atteindre les mineurs. Comme dans A Beautiful Mind (2001), le piano rend palpable l'intelligence des hommes.
– Le magnifique, rafraichissant et hypnotique Fénix qui nous entraine vers une issue favorable du récit, et se conclut sur un magnifique élan de quena, instrument qui incarne la fraternité des mineurs. Ainsi dans la vibrante introduction de Always Brothers, la flûte de Tony Hinnigan marque la réconciliation des hommes après un conflit. Ils se regroupent et s'enlacent pour ne former qu'un. Image qui nous renvoie à l'intégration de Jake au sein du peuple Na'vi, événement que James Horner avait également choisi d'illuminer avec l'aide de son ami instrumentiste. A ce sujet le multi-coloré First Ascent est un morceau qui découle d'Avatar (2009) et qu'il est facile d'imaginer comme annonciateur des séquelles du film de James Cameron que nous n'entendrons jamais…
– Le motif percussif de deux notes qui parcourt l'ensemble de la partition se révèle être une représentation du battement du coeur humain. Lors des premières secondes de The Atacama Desert il est accompagné d'une flûte de pan qui symbolise le souffle. Coeur, respiration… les moteurs de la vie. Dans l'angoissant To the Heart of The Mountain qui suit la longue descente des ouvriers au fond de la mine, le motif quitte sa composante organique et devient métallique tels les coups de pioche dans la roche qui apparaissent à l'écran. A la fin de Aiming To Miss, le motif revient sous une forme très lente, les mineurs sont dans un état d'anémie avancée, leur rythme cardiaque ralentit, la vie s'éteint.
– Les deux morceaux Empenadas for Dario et Family Is All We Have qui ouvrent et concluent la partition constituent une parenthèse éthérée basée autour de la guitare de George Doering. Elle souligne la tendresse d'une sœur pour son frère et leur réconciliation suite à cette épreuve. D'ailleurs quand ils se croisent à nouveau, nous retrouvons dans les synthétiseurs de Family Is All We Have (0:50 – 1:02) une phrase entendue dans Deep Impact (1998), quand le personnage incarné par Téa Leoni retrouve son père pour se réconcilier avec lui (Drawing Straws, 8:06 – 8:36). La compassion définie en quelques notes.
 
Drawing Straws – Deep Impact – Original Soundtrack by James Horner
© 1998 Paramount Pictures, DreamWorks SKG, under license to Sony Classical B000006O6R

Family is All We Have – The 33– Original Soundtrack by James Horner
© 2015 Warner Bros, under license to WaterTower Music B017OKMUZQ
 

Voici donc quelques éléments extraits de la partition de The 33 qui montrent bien le foisonnement d'idées humanistes qui parcourent cette musique.

L'oeuvre de James Horner rime avec abondance. Nous pouvons donc nous réjouir de notre richesse. Le monde dans lequel nous vivons est meilleur grâce à cet héritage. En ce 22 juin 2016, écoutons sa musique et portons notre attention sur ce que nous renvoient nos sens ici et maintenant. Et nous y trouverons la joie.
 
One year …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut