FOND MEMORIES – EPISODE 5 : 1981-1983 – SIX TÉLÉFILMS DE DEUX HEURES

Dans cet épisode nous nous intéressons à la relation que James Horner a entretenue avec la télévision au début de sa carrière, et sur les six téléfilms auxquels il a participé entre 1981 et 1983.
 
Bandes originales abordées dans cet épisode :
Angel Dusted (1981)
A Few Days In Weasel Creek (1981)
PK and The Kid (1982)
A Piano For Mrs. Cimino (1982)
Between Friends (1983)
 
[divider]1981-1983 – SIX TÉLÉFILMS DE DEUX HEURES[/divider]
Après les deux films de monstres pour Roger Corman (voir Episode 3) et pendant la composition de la trilogie horrifique de 1981 (Episode 4), James Horner a voulu éviter de s'enfermer dans le genre des films d'horreur et s'est tourné vers la télévision.
« Je m’inquiétais parfois d'être enfermé comme compositeur de films d'horreur. J'enchainais les films d’horreur parce que c'était tout ce qu'on me proposait. Et à chaque fois que j'essayais d'aller vers d'autres genres, on me répondait: "Ah oui, vous venez de faire Wolfen et c'était magnifique, mais vous savez, là, c'est une histoire délicate. On va obtenir Dave Grusin. » 1
« Depuis Wolfen, je n’ai pas été sollicité. On m’a lâché la bride, vraiment, à la télévision et au cinéma, et j’aime à penser que ça va continuer. Je ne suis plus cantonné au genre horrifique. J’ai fait six téléfilms de deux heures chacun qui ne sont pas horrifiques. » 2
Pourtant quelques années plus tôt, à la fin des années 70, quand il composa ses premières musiques de film pour l'AFI (Episode 2), James Horner avait refusé de travailler pour la télévision, média qu'il ne connaissait pas, car ne l'ayant jamais regardé.
« J’ai pris la décision de façon tout à fait consciente de ne pas faire de télévision une fois que j’aurais commencé à émerger. Je n’accroche pas à la télévision, je n’ai jamais été un téléspectateur, donc j’ai fait le choix d’être sans le sou, et de travailler sur ces films d’horreur à petit budget. » 3
De plus, James Horner avait peur de s'enfermer de manière irréversible comme compositeur pour la télévion, et ainsi être dans l'impossibilité de s'engager pour des films au cinéma.
« Quand j’ai commencé, j’ai enseigné à l’UCLA, dans la misère. Il y avait deux possibilités pour un compositeur. L’une consistait à lutter pour trouver un job au cinéma, et l’autre à lutter pour trouver un job à la télé. Et 99% des compositeurs finissaient à la télé, parce qu’ il était très facile d’obtenir un seul épisode ou un truc du genre, et le mois suivant d’obtenir un demi-épisode ou un autre truc. Et progressivement, les épisodes se combinent jusqu’à ce que vous obteniez quatre épisodes à la suite et un bouquet de séries et des téléfilms hebdomadaires. Vous finissez alors par être un gros bonnet, et vous arrivez à un point où vous vous dites, « bon sang, j’adorerais faire un film ». Mais personne n’y regardera à deux fois, parce que vous êtes quelqu’un de la télé. » 4
Malgré ces premières réticences, James Horner s'est finalement tourné vers la télévision pour changer d'air après ses multiples participations à des films d'horreur ou de monstres. Il était à la recherche de sujets plus proches de ses aspirations.
« J’aime les histories très tendres mais qui possèdent aussi un sous-texte dramatique. Dans mes scores de télévision, je me donne beaucoup plus de liberté ; ils ne proposent pas des images d'horreur, ils sont généralement très sensibles avec des choses tranquilles, et je peux y utiliser de la guitare et quelques cordes. Ils sont très différents. » 2
Au-delà du sujet abordé, James Horner a pris soin de bien choisir des téléfilms de deux heures et non des séries qui auraient nécessité un investissement plus long et instauré une routine ennuyeuse et isolante.
Il a également décidé de travailler avec des personnes de confiance comme Dick Lowry, réalisateur de The Drought, film qui a enclenché son coup de cœur pour la musique de films (Episode 2). Ils collaboreront ainsi coup sur coup en 1981 avec Angel Dusted (1981), A Few Days in Weasel Creek (1981) et deux ans plus tard pour leur dernière collaboration sur Rascals and Robbers: The Secret Adventures of Tom Sawyer (1983).
Tout au long de sa carrière ses participations pour la télévision seront totalement réfléchies et lui donneront l'occasion de prolonger sa collaboration avec un cinéaste.
Par exemple, il acceptera de travailler sur le téléfilm Extreme Close Up en 1990 car il est produit et écrit par Edward Zwick, réalisateur de Glory (1990) et de Légendes d'Automne (1994), ou encore il composera la musique de la série Crossraods en 1992 car le producteur est Michael Apted, réalisateur de Gorky Park (1983) et de Thunderheart (1992). Son intrusion dans le monde de télévision est donc intimement liée aux relations professionnelles construites pour le cinéma.
D'ailleurs le format téléfilm propose des expériences similaires à celles déjà vécues pour les long-métrages. La plus grande différence est le temps de composition plus réduit.
« L'approche est à peu près la même, c'est juste que vous avez moins de temps pour enregistrer, et vous n'avez que deux semaines et demie pour composer une pièce, plutôt que cinq à six semaines pour un long métrage. » 2
Et comme pour ses premières compositions à la fin des années 70, James Horner fut confronté à des budgets dérisoires pour la musique :
« Les projets que je reçois pour la télévision, comme j'ai dit, sont beaucoup plus sensibles, mais les budgets sont minuscules. (…) Un projet que j'ai fait pour EMI, Un piano pour Madame Cimino, une histoire d'amour mettant en vedette Bette Davis et Keenan Wynn, avait essentiellement un petit orchestre : cordes, piano, saxophone et clarinette. Et sur d'autres partitions, j'ai utilisé deux guitares, une harpe et un harmonica. » 2
[divider]ANGEL DUSTED[/divider]
Convoqués par l'infirmerie du lycée, deux parents (Jean Stapleton and Arthur Hill) sont choqués d'apprendre que leur fils parfait (John Putch) est devenu violent à cause de sa dépendance à la drogue.
Mettant en vedette Patrick Cassidy, une jeune Helen Hunt et le fils dans la vrai vie de Jean Stapleton dans le rôle de John Putch, ce téléfilm sur l’addiction fut diffusé pour la première fois le 11 février 1981. Il est intéressant musicalement car il a permis à James Horner de composer un très beau et mélodique générique pour petit ensemble instrumental.
Par contraste, la première scène sur les effets de la drogue sur le personnage principal propose une musique très atonale construite autour de glissandi de cordes – on retrouvera ce goût pour les glissandi dans Aliens (1986) – et un déchaînement atonal de l’orchestre qui anticipe de quelques mois sa composition pour Wolfen (1981).
Par la suite, il ponctue de quelques lignes mélodiques lumineuses (vents, harpe, cordes, vibraphone) les liens avec certains membres de sa famille (mère, frère), après que celui-ci a été interné dans un hôpital psychiatrique.
Le motif de deux notes, cinq ans avant sa fulgurante apparition dans Aliens, représente ici les dangers de la drogue. La partie sombre de la musique revient en force avec une autre séquence particulièrement agressive lorsque le jeune drogué refuse de retourner à l’hôpital et tente de fuir.
Ce motif modulé en majeur brille finalement lorsqu’ arrive la séquence conclusive de réconciliation. Quelques minutes sont données pour conclure le film de manière positive, d’abord par les vents – on retrouve les mélismes typiques du compositeur – puis par le petit ensemble, jusqu’au terme d’un générique de fin d’une trentaine de secondes.
Au total, l’apport musical reste très modeste, soit par choix du compositeur, soit par sélection du metteur en scène : sur 96 minutes, le score monté sur le film dure environ un quart d’heure, pas plus. Mais il mérite amplement une édition officielle, couplé avec une partition plus longue.
 
[divider]A FEW DAYS IN WEASEL CREEK[/divider]
Diffusé pour la première fois le 21 octobre 1981, A Few Days In Weasel Creek est un « road movie » qui suit les mésaventures d'une jeune fille (Mare Winningham) et de son petit ami en route vers la Californie.
Ce téléfilm de Dick Lowry sur une histoire de jeunes à la dérive dans la campagne américaine est inconnu et indisponible. Le peu de musique que James Horner a composée est remarquable dans une veine tendre et américaine qu’il n’avait pas encore pu explorer depuis ses débuts au cinéma.
Le générique fait se dialoguer un harmonica puis une guitare, avant qu’un petit orchestre et la guitare ne développent l’air principal du film, une belle mélodie qui sera enrichie avec l’harmonica, une guimbarde, une basse, l’orchestre de cordes et la harpe. James Horner donne sa version, après le très beau générique d’Angel Dusted, de l’Amérique du quotidien.
Dans d’autres scènes, la voix principale est donnée à la guitare, qui dialogue avec l’orchestre de cordes, dans une veine intimiste lumineuse et de toute beauté. Ce rôle primordial donné à la guitare classique sera utilisé plus tard avec plus de résonance dans Cocoon (1985). Il est fascinant de constater combien la sensibilité du compositeur est déjà bien présente dès 1981.
Cette musique dominée par de magnifiques mélodies et des rythmes folk préfigurant The Spitfire Grill (1996) exprime avec un véritable supplément d’âme les tribulations des personnages dans l’Amérique profonde.
 
[divider]PK AND THE KID[/divider]
Les errances adolescentes. Tout comme James Dean autrefois, ce thème reste une source d’inspiration pour les scénaristes dans les années 80, alors que les ados deviennent plus que jamais une cible pour les producteurs.
PK and the Kid, téléfilm réalisé en 1982 et édité en VHS en 1987, rejoint Angel Dusted dans son exploration de familles brisées. Non par la drogue cette fois, mais par les dysfonctionnements des familles recomposées. Le personnage féminin de PK doit fuir un beau-père abusif et une mère alcoolique et indifférente. Dans sa fugue, en quête de liberté, elle croise un solitaire qui vise le championnat poids moyen du bras de fer en Californie, Le Kid.
Le générique est à la fois inhabituel (avec son côté folk / country, ponctuations de batterie, accompagnement de la guitare) et familier, car il rappelle également le goût qu’a James Horner pour les thèmes piano / cordes richement harmonisés, ici coloré par l’harmonica. Ce dernier instrument, qu’il utilisait souvent dans ses scores « americana » à l’époque, prend souvent une place centrale dans la partition.
Le film prend des allures de « road movie », ponctué par des variations sur le thème principal. C'est un thème optimiste et enjoué qui devient un hymne à la liberté. Les ponctuations rythmiques ternaires du piano anticipent des scores à venir comme Searching for Bobby Fisher (1993).
Par contraste, la dissonance est utilisée pour exprimer la peur de PK, à chaque fois qu’elle voit son beau-père qu’elle déteste tant, la poursuivre. Ces moments de tension sont l’occasion d’entendre l’harmonica dans les graves, une sonorité commune à quelques partitions de cette époque (Rascals & Robbers, 48 HRS). Vers la fin, on entend une pièce plus développée lorsque PK réussit à échapper à son beau-père et s’empare de sa voiture. L’écriture est rythmique et intense et se distingue d’un score souvent doux et lumineux.
Les variations du thème principal permettent d’approfondir la relation centrale entre PK et le Kid qui s’élabore pendant leur périple : c’est l’occasion d’entendre de belles mesures composées pour la flûte et les cordes, et aussi l’ébauche d’un thème qui serait celui de l’amitié plutôt que de l’amour. Le contour mélodique du thème est d’ailleurs très intéressant et ne se présente pas comme une simple mélodie identifiable immédiatement comme « le » thème d’amour. Peut-être pour mieux nous faire sentir l’ambiguïté de leur relation. Elle a 15 ans, lui en a le double. Jamais leur relation ne passe la ligne jaune, mais le flirt est là.
La compétition finale de bras de fer, étalée sur la dernière demi-heure, n’est pas mise en musique car depuis le début c’est la relation entre les deux personnages qui est au cœur de l’intrigue. La musique ne revient que lors des cinq dernières minutes, avec une très belle écriture pour flûte, suivie par les cordes, où le compositeur développe le thème d’amitié, qui prend alors tout son sens lorsque la relation est plus forte entre les deux personnages. Le thème principal, celui de la «liberté», est repris intégralement pour conclure le film de façon optimiste.
Encore un « petit » score qui mériterait une édition discographique, pour démontrer la qualité des perles que le compositeur enchaînait à ses débuts.
 
[divider]A PIANO FOR MRS. CIMINO[/divider]
Diffusé pour la première fois le 3 février 1982, A Piano for Mrs. Cimino, téléfilm réalisé par George Schaefer, est un des premiers films de fiction sur la maladie d'Alzheimer. Il raconte la retraite du professeur de musique Esther Cimino qui s'aperçoit que ses facultés mentales diminuent. A la demande de ses enfants, elle se retrouve seule en maison spécialisée. Heureusement, sa petite-fille Karen va l’aider à lutter contre la dégénérescence mentale en l'incitant notamment à continuer à jouer du piano…
Ce téléfilm ayant Bette Davis comme interprète principale constitue avec Angel Dusted (1981) et Between Friends (1983) une autre exploration des malaises psychologiques. Avec la drogue et les problèmes affectifs d’une bourgeoise désœuvrée, cet opus « social » accompagne la démence sénile du personnage de Mme Cimino, atteinte d’Alzheimer et traumatisée par le décès de son mari, que sa famille doit mettre en maison de repos pour traitement.
James Horner adopte dès le générique le point de vue du personnage principal. La couleur la plus surprenante dans ce générique est cette mélodie de jazz au saxophone et à la clarinette, qui semble être une mélodie originale composée dans le style « big band » et sur laquelle James Horner appose des orchestrations impressionnistes. Elle symbolise l’esprit de Mme Cimino, prisonnière du passé et représentée par la musique qu’elle a interprétée jadis au piano en accompagnant le saxophone de son mari.
Ponctuellement de petites touches de musique où l’on reconnaît la douceur de l’écriture chambriste du compositeur mettent en valeur la clarinette, le hautbois ou les cordes. On remarque également une très belle et très courte séquence de cordes atonales lorsque Mme Cimino tente de quitter la maison de repos.
Dans la seconde partie du film, une séquence permet de développer au saxophone un très beau morceau qui met en valeur les vents par contrepoint, jusqu’à la découverte du fameux piano, qui va raviver ses souvenirs et commencer à lui redonner vie. La séquence se termine par une simple cadence au piano pour accompagner les vents, alors que Mme Cimino se retourne pour regarder ce piano qu’elle n’ose pas encore jouer.
Le saxophone accompagne encore un moment positif lorsque Mme Cimino quitte la maison de repos pour retrouver la vraie vie et se battre pour récupérer le droit sur ses biens qui avaient été confiés à un délégataire par décision de justice. Une séquence lumineuse accompagne la victoire de sa requête acceptée par la cour pour examen (mise en valeur de la harpe, des cordes).
Deux touches délicates accompagnent son « aventure » avec Barney, l’ami de jeunesse, joueur de clarinette dans l’orchestre de son mari. Le film se termine par un beau duo clarinette et piano joué par les deux protagonistes, Esther Cimino et son amant Barney. La pièce n’est pas de James Horner, il s’agit d’un standard non identifié.
Ce téléfilm qui aborde les problèmes de la vieillesse en donnant une importance au jazz des big bands des années 40 a mené James Horner à écrire une musique qui anticipe la magnifique partition de Cocoon en 1985.
 
RASCALS AND ROBBERS: THE SECRET ADVENTURES OF TOM SAWYER (1982)
Quatrième et dernière collaboration avec le réalisateur Dick Lowry (Angel Dusted, A Few Days In Weasel Creek), Rascal & Robbers fut diffusé pour la première fois le 27 février 1982. Ce téléfilm suit les aventures de Tom Sawyer et Huck Finn sur le fleuve Mississippi dans le Missouri.
Avec cette partition lumineuse et enjouée, centrée sur le monde de l’enfance, James Horner exprime avec spontanéité l’émerveillement et les facéties de l’aventure tout en colorant sa partition de teintes de l’Amérique rurale par le biais de la guitare et de l’harmonica (utilisé de façon intéressante dans un registre grave tout le long de la partition, comme dans 48 HRS).
Avec cette partition, James Horner débute sa collaboration avec le légendaire Thomas J. Tedesco, le guitariste le plus enregistré de tous les temps selon le magazine Guitar Player. Ce musicien apportera une couleur unique à des scores comme The Journey of Natty Gann (1985) ou l'inédit The Stone Boy (1984).
Composée pour un petit orchestre généreusement exploité, la musique cite un rythme de tarentelle (plutôt inhabituelle pour le compositeur) qui accompagne avec jubilation les péripéties imaginaires de Tom Sawyer et Huck Finn. L’ironie de la musique de cour détournée à la façon de Prokofiev (Huck shows off) pointe également son nez. On note également un pastiche de musique arabe, avec l’utilisation des vents en registre haut, évoquant ce moment de danse rituel dans Wolfen (début de Shape Shifting) dans King Gasparbeltazar.
 
Main Titles – Rascals and Robbers – Original Soundtrack by James Horner
© 1982 Columbia Broadcasting System (CBS), under license to Film Score Monthly FSMCD Vol.14 No.6
 

 

 

Enregistrée le 7 et 8 janvier 1982, cette partition anticipe certains traits de l’aventure spatiale de Star Trek II: The Wrath of Khan, dont James Horner entamera la composition juste après (voir Episode 6), notamment cette écriture qui évoque l’aventure, à la façon d’un Till l’Espiègle de Richard Strauss, surtout le suspense des textures d’orchestre dans Scree Comes to Beeton’s Landing, In the cave que l’on entendra lors de la rencontre avec Khan sur Ceti Alpha V et le rythme trépidant de poursuite dans Reba’s Escape qui jalonne toute la seconde partie du film de Nicholas Meyer.
 
[divider]BETWEEN FRIENDS[/divider]
Diffusé pour la première fois le 11 septembre 1983, Between Friends (1983) rassemble à l'écran Elisabeth Taylor et Carol Burnett. Elles interprètent deux femmes n'ayant rien en commun qui se rencontrent par hasard et développent une forte amitié tout en continuant à faire face à leurs vies respectives.
La mélancolie est la couleur principale donnée par James Horner à ce téléfilm à travers un simple motif au piano qui développe tout un univers d’émotions pour un petit ensemble d’instrumentistes.
Après le générique d'ouverture, ce thème revient après lorsque l’amitié se développe entre les deux femmes au cours d'une conversation nocturne autour de quelques verres d’un très bon vin. Le thème de la nostalgie est évident au cœur de leur conversation, teintée de la mélancolie du temps qui est passé trop vite. Le compositeur laisse beaucoup de place aux silences entre les notes et à la résonance des instruments pour accentuer ces émotions. Cette scène, assez longue, permet aux deux femmes d’aborder les grands sujets de leurs vies. Elle est accompagnée ensuite par le petit ensemble (harpe, flûte, cordes, …) qui remplacent le piano et le vibraphone. C’est la scène inaugurale de leur amitié.
Plus loin, une autre conversation plus grave sur le thème de l’amour, commence par un violoncelle qui mène à des variations du thème au piano et un développement pour flûte et petit orchestre. C’est la scène clé qui scelle le duo, où les deux protagonistes se déclarent leur amitié.
Au milieu du film, une très belle séquence musicale qui met en valeur les cordes accompagne une scène d’amour, chose plutôt rare pour James Horner, le compositeur n’ayant pas eu souvent l’occasion de le faire dans sa carrière.
La décision d’Elisabeth Taylor de se marier est accompagnée par une élégie pour cordes puis une reprise du motif au piano. Plus tard, une scène dramatique d’alcoolisme et une tentative de suicide du même personnage convoque de la part du compositeur une évolution intéressante des cordes, d'abord tendues, puis un retour progressif au thème enrichi d'un style d’écriture chorale des cordes qui évoque un des plus beaux passages de Brainstorm (1983), composée dans la même période.
Vers la fin du film, dans une scène entre l’une des protagonistes et sa fille, apparaît le thème qui deviendra celui de House of Cards (1992) dix ans plus tard.
Le court générique de fin développe de façon enjouée le thème principal et en fait une des présentations les plus satisfaisantes.
James Horner a vite démontré à quel point il était à l’aise dans le drame. La nature des téléfilms pour lesquels il était embauché permettait également de doser sa musique pour les scènes essentielles. Peu de musique, mais utilisée avec beaucoup de justesse. Ce travail devait être très reposant après des partitions monumentales pour lesquels il donnait énormément – jusqu’à sa santé ! – comme pour Krull (1983) de Peter Yates juste avant.
 
[divider]CONCLUSION[/divider]
Les partitions pour ces six téléfilms composés entre 1981 et 1983 ont constitué pour James Horner un vent d'air frais après les films d'horreur et de monstres du début de sa carrière. Débarrassé des compositions alimentaires pour le genre assez restrictif de l'horreur, James Horner a en effet pu déployer dans ces six projets sa sensibilité unique et son goût pour les drames avec Angel Dusted (1981), A Piano For Mrs. Cimino (1982), Between Friends (1983), ou l'aventure avec A Few Days In Weasel Creek (1981), PK and The Kid (1982) et surtout Rascals And Robbers: The Secret Adventures Of Tom Sawyer (1983).
C'est dans ces histoires finalement plus humaines qu'a pu éclore pour la première fois toute la sensibilité du compositeur. Elles constituent ainsi le berceau de l'émotion selon James Horner. Une émotion à fleur de peau que nous retrouverons dans Testament (1983) et qui explosera dans Cocoon (1985).
 

Article écrit par David Hoquet et Jean-Baptiste Martin
Remerciements particuliers à Petr Kocanda, Javier Burgos, John Andrews, Olivier Soudé et Kjell Neckebroeck
 
Sources :
1 – Star Trek II by Kay Anderson – Cinefantastique, July-August, 1982, Vol. 12 No. 5 and 6.
2 – CinemaScore, issue # 11/12, 1983; interview by Randall D. Larson
3 Melbourne Seminar, In December 1991 initially published in Soundtrack! Vol. 11 No. 41 March 1992
4 – Scoring, Not Sinking, excerpt from Soundtrack! Vol. 16/No. 64 December 1997; by Daniel Schweiger Composer James Horner steers his way through Titanic's troubled waters.

 

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