VIENNE 2013 : ANALYSE DES CONCERTS

Le caractère exceptionnel des deux concerts donnés à l'occasion du festival Hollywood In Vienna 2013 n'est plus à prouver. Dès le mois de février nous avions détaillé les éléments qui faisaient de ces deux soirées au prestigieux Wiener Konzerthaus des événements à ne pas manquer (voir notre article). L'argument majeur était la venue de James Horner. A l'époque il était même annoncé qu'il devait partager la direction de l'orchestre avec David Newman.
Mais finalement le 3 et 4 octobre, seul le fils d'Alfred Newman dirigea l'Orchestre symphonique de la radio de Vienne (Radio-Symphonieorchester Wien). Pourquoi ce désistement de la part du compositeur de Braveheart ? Comme il l'a expliqué lors du Symposium, James Horner préfère ne pas se tourner vers ses partitions passées : il les compose, les dirige puis les oublie en se concentrant sur les projets suivants. C'est un artiste d'une sensibilité rare, orienté vers son avenir, vivant pleinement le moment présent et se refusant à ressasser le passé avec nostalgie. Ce mode de pensée l'empêche donc de se replonger de nouveau sur une ancienne partition pour la diriger en concert. La seule fois où il a dû le faire c'était en avril 2012 pour la première mondiale de Titanic 3D…
Les admirateurs du compositeur venus en nombre rêvaient sans doute de le voir de leurs propres yeux diriger sa musique à Vienne. Ce n'était donc pas pour cette fois. Une petite déception qui s'ajouta sans doute à l'impossibilité quasi-permanente de l'approcher pour une photographie ou une dédicace. Deux éléments qui ont peut-être gâché la fête de certains mais qui n'ont pas empêché à ces deux concerts de proposer des interprétations de grande qualité. Revue détaillée.
[divider]ON TO NEW WORLDS[/divider]
L’œuvre de James Horner avait donné aux organisateurs l'idée de retenir comme thématique centrale pour cette année les nouveaux mondes terrestres et extra-terrestres. Ainsi la première partie du concert proposait un large éventail de compositions écrites pour des œuvres de science-fiction avec les morceaux suivants :
 
MetropolisPrelude – Gottfried Huppertz
Space MountainDe la Terre à la Lune – Steve Bramson
Star TrekSuite – Alexander Courage, Jerry Goldsmith, Leonard Rosenman, Cliff Eidelman, Michael Giacchino.
GattacaThe Departure Michael Nyman – Piano : Stephanie Timoscheh
A.I.Where Dreams Are Made – Voix : Ildikó Raimondi
Independence DaySuite – David Arnold
 
Après la traditionnelle « Hollywood In Vienna » Fanfare composée par Bruce Broughton à partir d'un thème de Max Steiner, la présentation de la thématique On To New Worlds se fit au terme de l'élévation solennelle du court Prelude tirée de Metropolis. Les deux éléments frappants qui se dégagèrent de ces introductions furent la capacité de l'orchestre à déployer une gamme d'intensités musicales étendue, puis la superbe idée de projeter les images des films sur quatre grandes toiles verticales intercalées entre chacune des colonnes du mur à l'arrière de la scène de la Großer Saal. Comparée aux années précédentes, la surface de projection était ainsi démultipliée et offrait une immersion optimale. L'apparition progressive de la cité futuriste inventée par le réalisateur autrichien Fritz Lang lors du morceau de Gottfried Huppertz fut ainsi du plus bel effet.
L'interprétation de la composition de Steve Bramson pour l'attraction Space Mountain des parcs Walt Disney confirma ces bonnes premières impressions. Le jeu impeccable de la section des cors apporta son lot de promesses pour la seconde partie consacrée aux compositions de James Horner, qui ont l'habitude d'utiliser généreusement la chaleur de cet instrument. La montée sur scène de Steve Bramson à la fin du morceau rajouta un cachet non négligeable : Hollywood était bien à Vienne !
La suite consacrée à la série télévisée et cinématographique Star Trek, concoctée par Ehich Hofmann expert en musique de films, proposa un éventail très appréciable de compositeurs. Ainsi à côté des thèmes iconiques d'Alexander Courage, de Jerry Goldsmith et de Michael Giacchino, nous avons pu profiter des qualités mélodiques du travail de Leonard Rosenman et de la virtuosité épique élaborée par Cliff Eidelman pour les aventures intergalactiques de l'USS Enterprise. Deux compositeurs dont la participation à l'aventure musicale de la série est moins connue mais qui méritaient amplement leur place dans cette suite.
Le morceau tiré de Gattaca apporta une douceur bienvenue. La pianiste Stephanie Timoscheh, accompagnée par des cordes mélancoliques interpréta brillamment la mélodie de Michael Nyman. Les images projetées en adéquation avec la musique rajoutèrent une touche de poésie indéniable.
Puis vient le sommet émotionnel de cette première partie. La gracieuse soprano Ildikó Raimondi fit sa première apparition sur scène pour nous offrir une magnifique interprétation d'un morceau écrit par John Williams pour le film A.I. de Steven Spielberg. C'était d'ailleurs la première fois que ce morceau Where Dreams Are Made était exécuté en concert. La quasi absence d'images projetées incita le public à se concentrer sur la performance de la chanteuse, qui, lors du final, bouleversa l'auditoire grâce à la puissance de sa merveilleuse voix.
La furie orchestrale d'Independence Day conclut la première partie des concerts. Défi difficile de résumer la riche partition de David Arnold en quelques minutes. Toutefois cette suite eut le mérite de condenser équitablement tous les aspects de celle-ci, tout en parvenant à reproduire fidèlement l'interprétation originale. Un bel exploit pour conclure une première partie très agréable.
[divider]THE WORLD OF JAMES HORNER[/divider]
La partie tant attendue commença par une jolie surprise : l'Universal Fanfare composée par James Horner pour les 75 ans du studio. Choix judicieux car ces quinze secondes féeriques constituent une parfaite introduction au monde magique de la musique du compositeur. Le programme des festivités était ensuite le suivant :
 
Star Trek IIEnd Titles (extrait)
BraveheartEnd Titles (extrait) – Uilleann pipes : Geza Frank
Horner MedleyWillow / A Beautiful Mind / Apollo 13 / Aliens / The Mask of Zorro / The Rocketeer
An American TailSomewhere Out There – Piano : Jeremy Schonfeld – Chanteurs : Deborah Cox & Jeremey Schonfeld – Arrangements : Werner Stranka & Martin Gellner/Beat4feet
AvatarSuite – Arrangements : Victor Pesavento
Legends of The FallThe Ludlows
Titanic Suite – Voix : Ildikó Raimondi – Uilleann pipes : Geza Frank – Arrangements : James Horner
The Amazing Spider-ManEnd Titles
The Land Before TimeIf We Hold On Together – Chanteurs : Deborah Cox & Jeremy Schonfeld – – Arrangements : Werner Stranka & Martin Gellner/Beat4feet
 
Le End Titles de Star Trek II dans une version raccourcie fut remarquablement interprétée. Les images d'univers interstellaires qui l'accompagnaient étaient splendides. Elles précédaient un défilement déchronologique réussi du nom des films mis en musique par James Horner pour accompagner le final du morceau. L'animation fut réalisée avant l'été, ce qui explique la présence de Roméo et Juliette en tête de liste (voir notre article).
Le jeune joueur de uilleann pipes Geza Frank fit ensuite son entrée sur scène pour interpréter le bouleversant End Titles de Braveheart dans une version raccourcie à quatre minutes donc forcément trop courte. L'exécution fidèle et soignée ne laissait plus de doute sur la grande qualité de l'orchestre. Impression renforcée par l'intervention angélique des chœurs trop peu entendus depuis le début de la soirée.
Le « Horner Medley » comme il est nommé dans le programme n'a pas échappé à l'inconvénient majeur de ce type d'exercice c'est à dire proposer des extraits trop courts. Ainsi Willow se résuma à une simple et unique exécution du thème de Madmartigan, Aliens, Appolo 13 et The Mask Of Zorro à une brève évocation de leur thème principal. L'extrait de A Beautiful Mind était curieusement privé de sa partie chorale tandis que The Rocketeer, avantagé par sa position finale dans le medley, eut la chance d'être le plus développé avec le thème de Jenny suivi d'une fanfare conclusive.
Ensuite le chanteur Jeremey Schonfeld s'installa au piano pour interpréter avec la chanteuse canadienne de R'n'B Deborah Cox, le tube Somewhere Out There. L'arrangement de Werner Stranka & Martin Gellner a mis en valeur la mélodie imaginé par James Horner pour le film d'animation An American Tail, signé Don Bluth.
Puis vient l'heure de la suite d'Avatar, partition complexe à reproduire en concert à cause de la richesse de son orchestration, tout comme il est extrêmement difficile par exemple de restituer l'intégration du piano au sein de l'orchestre dans Bioluminiscence of The Night. L'arrangeur Victor Pesavento, le chef d'orchestre David Newman, les musiciens et les chœurs s'en tirent avec les honneurs car leurs performances sur cette suite fut à la hauteur, notamment sur la dernière minute de War tout simplement exceptionnelle. Jeudi lors du premier concert les percussions étaient toutefois trop mises en avant, mais ce fut rectifié pour la soirée de gala du lendemain.
The Ludlows, du chef d'œuvre bucolique Legends of the Fall, a fasciné les spectateurs par sa beauté pastorale et son romantisme poignant. Le piano, le solo de violon, les cordes, les paysages projetés… Tout était parfait.
Enfin l'orchestre a interprété la partition la plus connue du compositeur : Titanic. La soprano Ildikó Raimondi et le joueur de uilleann pipes Geza Frank sont revenus pour ce moment attendu par une grande partie de l'auditoire. Il nous était proposé une partie de Titanic Suite arrangée par James Horner. Ildikó Raimondi a semblé moins à l'aise que sur le morceau de John Williams mais c'est peut-être car la voix de la chanteuse norvégienne Sissel semble définitivement indissociable de cette musique. Les passages les plus réussis était le juvénile Southampton grâce à l'enthousiasme du chœur Neue Wiener Stimmen, et le final, élan musical divin réunissant tous les musiciens dans l'une des plus belles expressions de l'amour éternel.
Le End Titles vivifiant de The Amazing Spider-Man accompagna les deux soirs l'arrivée de James Horner sur scène pour ses discours.
La chanson If You Hold On Together (The Land Before Time) bénéficia du même « lifting » que Somewhere Out There avec un arrangement pop très réussi. L'émotion était palpable quand Deborah Cox s'approcha les deux soirs de James Horner en entonnant les premiers vers de la chanson. Ce fut un choix idéal pour refermer avec nostalgique la fenêtre ouverte pendant une heure sur l'univers de James Horner.
 
Gone with the Wind fit office de générique de fin des deux soirées. La mélodie de Max Steiner à jamais associée à la musique de film hollywoodienne était idéale pour conclure ces concerts.
 
Niveau ambiance la magnifique salle était merveilleusement mise en lumière par Norbet Wofsberger, l'accompagnement musical à partir de petites cellules tirées des œuvres interprétées était très réussi. Magique.
L'humour n'était pas en reste avec la très plaisante présentation faite par l'acteur Gedeon Burkhard, la voix off, malheureusement en allemand, juste avant la suite Star Trek a eu également un certain succès auprès du public autrichien, tout comme l'ombre qui recouvrait progressivement la ville de Vienne lors de l'interprétation d'Independence Day.
Enfin la majorité des images et vidéos étaient bien choisies et très souvent en harmonie avec la musique. Mention spéciale aux superbes images accompagnant The Mask Of Zorro, Aliens et Legend of The Fall. Toutefois il est dommage que les musiciens n'aient pas été plus souvent projetées sur l'écran à la place des longues images fixes, et que le passage tiré de War dans la suite d'Avatar n'ait pas donnée lieu à la projection des scènes de batailles du film.
Pour conclure nous pouvons dire que les spectacles proposés le jeudi 3 et vendredi 4 octobre au Wiener Konzerthaus de Vienne (répétition), furent dans l'ensemble d'une grande qualité grâce aux talents conjugués des musiciens, des arrangeurs, des chanteurs et du chef d'orchestre. Les choix musicaux supervisés par Ehich Hofmann, Sandra Tomek et Natalia Villanueva Garcia ont garanti une variété d'ambiances musicales appréciables tout en couvrant la partie la plus accessible et (peut-être trop ?) populaire de l’œuvre de James Horner.
En tous cas si vous appréciez le compositeur honoré, Hollywood In Vienna mérite le déplacement
 
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